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différent et la paix moins onéreuse, au cas où, après les erreurs et les défaillances accumulées au début des hostilités, on eût évité les fautes militaires, du caractère parfois le plus grave, qui ont été commises par la suite ? La liberté des mers nous permettait de jouer nos dernières cartes favorables. Toutefois laissons là les hypothèses. Dans les événemens, tels qu’ils se sont accomplis, notre supériorité maritime a eu sa part bienfaisante. Ne comptons pas, si l’on veut, l’honneur sauf : le relèvement du pays, si rapide au cours des armées suivantes, sera bien tenu du moins pour un profit positif. Il ne fut possible que par la survie de nos industries, alimentées grâce à la mer durant tout le conflit. Maintenant au dehors leurs ventes, leurs débouchés, leur clientèle, elles ne cessèrent de fournir au pays l’argent, nerf de la guerre, condition des réarmemens qui devaient assurer l’indépendance future. Dans l’armée 1870, nous jetâmes sur les marchés étrangers des soieries pour 485 millions, contre 447 seulement en 1869. L’exportation des articles de Paris se monta encore à 314 millions. Et la balance commerciale put se solder, comme l’armée précédente, par un simple bénéfice de 67 millions au profit de l’étranger, ce qui permit à la Banque de France de maintenir le taux de son escompte à 6 pour 100, alors qu’il avait atteint 7 et 8 en pleine paix vers 1864.

À ces avantages matériels, dus en grande partie à la maîtrise de la mer, joignons l’avantage moral de la résistance elle-même. Ce prolongement de la guerre eût-il été sans espoir, qu’en dépit de ses tristesses, il se fût montré utile, parce qu’il réveillait l’âme de la France. C’est à ce bel élan, aux sentimens qu’il fit vibrer dans tous les cœurs, que nous devons et la reprise si rapide de notre vigueur et la place que nous avons su retrouver presque aussitôt en Europe.


III

Voilà pour la guerre passée, mais la guerre future ? Ici encore l’instinct populaire juge trop vite et s’égare. La guerre future aurait à faire état de la marine d’abord pour les mêmes raisons qui, nous venons de le voir, nous la devaient rendre précieuse en 1870, ensuite en vertu des changemens accomplis depuis lors.

Prenons la situation militaire en elle-même. On nous dit :