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Paris, au point que si aucune conversation n’avait eu encore lieu, l’occasion s’en présenterait aujourd’hui d’une manière assez pressante. Que la Hollande agisse au mieux de ses intérêts, les autres puissances agiront au mieux des leurs : c’est le seul enseignement qu’il y ait à tirer de cette affaire.

Elle a contribué néanmoins, pour sa quote-part, à répandre en Europe cette impression de malaise que nous avons signalée en commençant, et qui a trouvé les esprits assez disposés à la recevoir. La cause en est moins dans l’affaiblissement des ententes et des alliances que dans la manière un peu plus molle dont on s’en est servi. Il est possible que l’occasion de faire plus ne se soit pas présentée, ou qu’on l’ait laissée échapper ; en tout cas, il suffit d’un peu de volonté pour réparer le mal. En Angleterre, l’opposition conservatrice qui s’était abstenue jusqu’ici d’attaquer la politique étrangère du Cabinet libéral a commencé de le faire ; il y a en France, dans des conditions d’ailleurs différentes, un mouvement un peu analogue. Le gouvernement n’a pas pour le moment à s’en inquiéter, mais il fera bien d’en tenir compte pour reprendre plus fermement la direction des esprits, qui ne demandent d’ailleurs qu’à être rassurés.


Nous avons fait allusion, à diverses reprises, aux projets de réforme constitutionnelle préparés en Allemagne pour être appliqués à l’Alsace-Lorraine. La question ayant fait dans ces derniers temps un pas important, il faut y revenir avec plus de développemens ; mais comment le faire sans un douloureux serrement de cœur ? L’Alsace et la Lorraine sont pour nous comme ces membres perdus que l’on continue de sentir, dont on continue de souffrir. Nous voudrions parler de nos provinces séparées avec l’affection profonde que nous leur conservons, mais, en le faisant, nous ne sommes pas sûrs de ne pas nuire à leur cause au lieu de la servir. Pourquoi ne pas l’avouer ? Il nous est pénible aussi de voir l’Alsace et la Lorraine poursuivre leurs destinées en dehors de nous et chercher des satisfactions que nous ne pouvons pas leur donner. C’est là un sentiment qu’il faut refréner. Faisons un retour sur nous-mêmes. Ce n’est pas la faute de l’Alsace et de la Lorraine si nous n’avons rien fait, si nous n’avons rien cherché à faire pour elles depuis qu’on nous les a arrachées. Nous ne les avons pas oubliées, certes, mais les immenses responsabilités qu’il aurait fallu affronter pour les reprendre comme on nous les a prises, c’est-à-dire par la force, ont paralysé notre volonté. Toutes les fois que l’Alsace et la Lorraine écoutent les voix qui viennent de