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L'AMAZONIE




Le Brésil que le public connaît, c’est exclusivement le Brésil du sud. Il connaît Rio, parce que c’est la capitale de l’État fédéral et qu’elle est au fond de la plus belle rade du monde, Sâo Paulo, ville du café comme Santos en est le port, Minas-Geraes, parce que sa richesse minière est comparable à celle de la Californie. Il connaît enfin les quatre États du sud, Parana et Rio Grande de Sul avec leurs pâturages immenses, Santa Catharina avec son exploitation agricole intense, et Sâo Paulo, le joyau du Brésil, parce que cette région, la plus riche de toute l’Amérique du Sud, envoie au monde entier son café, son mais et ses peaux. Mais ce que le public ignore, c’est la partie septentrionale, la vallée amazonienne. Cette région est restée dans l’ombre, parce que le Brésil n’a pas tenu à la faire connaître et que l’Europe a voulu l’ignorer.

Peut-être d’ailleurs jadis le gouvernement brésilien n’a-t-il pas eu tort. Il devait canaliser l’émigration et la diriger systématiquement dans les pays à développement sûr et immédiat. Méthodiquement, il a peuplé toute la région méridionale, et les faits sont là pour prouver qu’il a eu raison. Ensuite le pays n’avait pas une bonne renommée et, pour les pays plus encore que pour les individus, il est dangereux d’avoir une mauvaise réputation. Pendant les premiers temps de l’exploitation du caoutchouc, c’était en effet dans la vallée amazonienne qu’on envoyait certaines classes de condamnés. Elle était également le refuge d’un grand nombre de flibustiers à morale douteuse, véritables négriers qui, rétablissant sous une autre forme l’esclavage que le vicomte de Rio Branco venait de faire abolir sur tout le territoire de l’empire brésilien, exploitaient cyniquement les