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suspendue et coupée le vendredi par des interpellations. L’interpellation qui a rempli les derniers vendredis a eu pour objet la Confédération générale du Travail. Faut-il dissoudre la C. G. T., ou la respecter ? La question a été posée par M. Georges Berry qui, au moment où tant d’autres baissent la tête devant la célèbre association, a relevé la sienne et s’est livré à la plus vigoureuse attaque. Il a été fort bien aidé dans cette tâche par un avocat de Nice, nouveau venu à la Chambre, M. Lairolle, dont le début dans cette affaire a été brillant. M. Lairolle, comme M. Georges Berry, est d’avis que la Confédération générale du Travail doit être dissoute, et il la démontré par des argumens juridiques très saisissans. Quand même la Confédération aurait été régulièrement constituée à l’origine, elle est sortie de son rôle, elle a poursuivi un tout autre but que celui que la loi lui assigne, elle a commis enfin, par sa propagande anarchique et antipatriotique, des délits nombreux et avérés ; elle est devenue d’ailleurs insupportable à tout le monde, même aux socialistes unifiés, qui la défendent parce qu’ils en ont peur et qui ont raison d’en avoir peur, car ils en seront un jour les victimes, même au monde des travailleurs, qui subissent son joug avec impatience. Donc elle doit être dissoute et, lorsqu’elle le sera, ceux qui ne le pousseront pas tout haut, pousseront tout bas un soupir de soulagement. Nous sommes convaincus que M. Lairolle a raison et que si un gouvernement résolu procède un jour à la dissolution de la C. G. T., on sera tout étonné le lendemain de la facilité avec laquelle l’opération se sera faite, du peu de regrets qu’elle laissera, de l’impuissance des colères qu’elle suscitera. Mais, pour le moment, la Confédération générale du Travail est tranquille et confiante, et, si elle ne l’avait pas été avant le discours prononcé sur elle par M. le président du Conseil, elle le serait après. Elle dirait volontiers avec arrogance le mot des grands révoltés menacés de représailles : On n’oserait !

Le discours de M. Briand porte à un degré rare tous les caractères de cet optimisme inébranlable que nous avons déjà signalé chez lui. Rappelant les déclarations faites autrefois par M. Viviani dans un débat analogue, il a reconnu avec lui qu’on pourrait fort bien, la loi à la main, dissoudre l’association ; mais, a-t-il dit aux députés qui l’écoutaient, et qui sont presque toujours flattés de cette distinction, vous n’êtes pas seulement des légistes, vous êtes aussi et surtout des hommes politiques et, comme tels, vous ne sauriez vous associer à M. Lairolle dans la mesure qu’il propose. Et pourquoi donc faut-il se garder de dissoudre la Confédération générale du Travail, puisqu’elle l’a certainement mérité et puisque d’ailleurs on peut le faire ?