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les gorges et jusqu’à Furken, le passage le plus difficile de la traversée. Néanmoins, l’occasion paraissait si favorable que Chavez, en excellent pilote qu’il était, décidait d’aller en automobile se rendre compte par lui-même de l’état de l’atmosphère. A midi, il était de retour, résolu à tenter le voyage aussitôt que possible.

Il devait être, dans le départ, devancé par Weymann, son concurrent, qui, à 1 h. 10, faisait un premier et inutile essai. Mais, à 1 h. 29, Chavez, coiffé de son casque de motocycliste, s’enlevait à bord de son monoplan, un monoplan Blériot, et, après avoir décrit quelques spires au-dessus du champ d’aviation montant avec une rapidité inouïe, piquait sur le Simplon-Kulm. Les curieux qui l’attendaient à ce point virent apparaître le monoplan au-dessus des profondeurs effroyables des gorges du Salquina. Il se rapprocha rapidement, longeant toujours la montagne et passa à droite et au-dessus du Simplon-Kulm, le dominant d’assez haut. Il était 1 h. 48 : dans une escalade endiablée, Chavez était donc, en 19 minutes, monté de 879 mètres, altitude de Brieg, à une hauteur très supérieure à 2010 mètres, altitude du Kulm. Les conditions météorologiques, en cet endroit, étaient d’ailleurs excellentes : léger vent du Nord, soufflant à 3 ou 4 mètres par seconde, température, à l’ombre, de 6 degrés. L’hospice franchi, Chavez parut hésiter sur le chemin qu’il prendrait pour gagner la plaine de Domo d’Ossola, qui n’est qu’à 280 mètres d’altitude : il avait le choix entre le col de Monscera et le défilé de Gondo. Il se décida pour le second itinéraire, terrifiant de gorges étroites et de précipices insondables. Peut-être, à ce moment, eût-il mieux fait de garder son altitude jusqu’à la petite ville italienne et de descendre alors en spirales les 2 000 mètres nécessaires, s’il jugeait l’atterrissage inévitable. Il faut savoir reconnaître que le hasard, d’ailleurs, favorisa sa route : l’air était à peu près calme dans ces gorges de Gondo, dont il suivit toutes les sinuosités. Vers 2 h. 10, les personnes qui l’attendaient à Domo d’Ossola virent l’aéroplane très haut, à 1 500 mètres environ, venant de la direction de Gondo. Chavez connaissait parfaitement les lieux Il fit sa descente en vol plané, avec une vitesse de 100 kilomètres à l’heure à peu près, ayant le vent arrière. Il se dirigeait nettement vers le terrain préparé pour le recevoir et, deux fois, d’après le Figaro, avait ralenti sa vitesse par de petits bonds,