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UNE HEURE


A


LA COLLECTION CHAUCHARD.




AVANT D’ENTRER

Il me semble avoir lu, dans une chronique du Moyen âge, quelque chose comme ceci. Du temps où la terre était inconnue, quand le jeune Amerigo Vespucci, encore à l’école, suivait du doigt, sur l’atlas de son oncle, les contours fantastiques de l’Asie ultima et rêvait de nouveaux continens, en voyant flamboyer les noms sacrés dans l’or des vélins au bord des grands espaces de mers bleues, comme des nimbes de saints, dans les ciels de Fra Angelico, les récits des voyageurs, revenus de la mer des Indes, étonnaient le monde par leur fantaisie et par leurs contradictions. On racontait qu’il y avait bien loin, à l’Est, au-delà du pays où naissent les éléphans, au-delà des îles des Satyres, au-delà de la Chersonèse dorée, au-delà de l’île de Taprobane, au-delà, de toutes ces petites îles carrées, désignées sur l’atlas Vespucci sous le nom de Insulæ anthropophagor., une île mystérieuse, l’île de Sindbad, du nom peut-être du premier voyageur qui y avait abordé, et dont on racontait des prodiges contradictoires.

Les premiers explorateurs en disaient des merveilles. Les habitans y étaient beaux comme des anges, chantaient comme des sirènes, faisaient des gestes de statues antiques, avaient des âmes de saints. On n’y entendait jamais une dispute, ni une contestation. La faune y était splendide. Il y avait, là, des licornes, des phénix, des lions rouges, verts, noirs et blancs