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contre celui-là. C’est le spectacle que, depuis le premier jusqu’au dernier jour de la campagne électorale, ont donné, tant du côté ministériel que du côté unioniste, les principaux chefs de parti. La quantité de discours que les uns et les autres ont prononcés est innombrable. C’est ainsi que, trois jours avant la clôture des opérations électorales et alors que les résultats étaient déjà acquis, M. Winston Churchill, qui a un remarquable tempérament d’orateur, s’est rendu dans l’île de Wight et a tenu quatre réunions dans la même journée. Mais celui qui, par son activité et son énergie, s’est fait le plus d’honneur dans cette campagne est assurément M. Balfour. Ses partisans eux-mêmes l’accusaient assez volontiers d’être un amateur, un dilettante, un doctrinaire. Il s’est montré, dans cette crise, un remarquable chef de parti, toujours sur la brèche, faisant montre d’activité, de résolution, de vigueur et déployant de rares qualités non seulement d’orateur, mais de tacticien. C’est sur lui qu’a pesé presque tout le poids de la lutte, car, dans la Chambre des Communes, le parti unioniste, bien qu’il compte des hommes de valeur comme M. Austen Chamberlain et M. Bonnar Law, paraît manquer cependant d’hommes de grand talent, et les Lords unionistes tels que lord Lansdowne et lord Curzon, bien qu’ils aient pris plusieurs fois la parole, étaient cependant un peu gênés par la règle traditionnelle qui interdit habituellement aux Lords d’intervenir dans les luttes électorales. L’ascendant de la parole de M. Balfour était redouté à ce point que, dans une circonscription où l’issue de la bataille était incertaine et où le vote avait lieu le lendemain, comme il devait parler à huit heures du soir, les partisans du candidat libéral organisèrent, à une heure plus tardive encore, une réunion où M. Winston Churchill pourrait prendre la parole à son tour. Non seulement, pour permettre à ce dernier d’arriver à temps, un train spécial avait été ordonné, qui le déposa à minuit à la porte de la réunion, mais un service d’automobiles avait été organisé, qui, d’heure en heure, portait aux stations où s’arrêtait le train la sténographie du discours de M. Balfour auquel il aurait à répondre. Aussi, à neuf heures du soir, M. Balfour, regardant gravement à sa montre, put-il dire : « M. Winston Churchill doit arriver en ce moment à… J’en profiterai pour lui demander,… » et l’auditoire de rire. Ajoutons que, le lendemain, le candidat unioniste l’emporta.