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conciliation qui régnait alors, ils seraient peut-être arrivés à un résultat meilleur.

Pendant plusieurs mois en effet, les partis firent trêve à leurs querelles. Lord Rosebery consentit à ce quo la discussion de ses propositions, qui devait avoir lieu le 24 mai, fût ajournée, et aucune question de nature à diviser Unionistes et Libéraux ne fut soulevée au Parlement jusqu’à la fin de la session. Ces quelques mois ne furent cependant pas perdus, mais dans un tout autre ordre d’idées, pour la conciliation. On sait que la formule du serment que chaque nouveau souverain doit prêter lors de son avènement au trône contenait des phrases que les catholiques considéraient à bon droit comme injurieuses et dont ils demandaient depuis longtemps la suppression. Il était notoire également que le roi Edouard, qui apportait dans toutes les questions religieuses un large esprit de tolérance, n’avait pas prêté ce serment sans répugnance ; mais le Cabinet unioniste présidé par lord Salisbury, qui était alors aux affaires, n’avait pas eu le courage de braver le fanatisme anti-catholique qui anime encore en Angleterre une fraction, assez faible, il est vrai, du monde protestant et de consentir à la modification, dans la formule du serment, que désirait le Roi. Le Cabinet libéral eut ce courage. A la séance du 27 juin, M. Asquith, dans un langage très élevé, proposa de modifier les termes de cette déclaration et déposa un Bill en ce sens. La discussion dura plusieurs jours et fut assez vive, certaine ligue dénommée l’Alliance Protestante ayant inondé les deux Chambres d’un petit pamphlet qui était intitulé : le Trône en danger, et où les catholiques anglais étaient formellement accusés de conspirer avec le Pape pour rétablir sur le trône une archiduchesse d’Autriche-Este, née duchesse de Modène, dernière descendante de Jacques II. Mais M. Balfour soutint M. Asquith et ce fut également un noble spectacle que celui des chefs de ces deux grands partis historiques se mettant d’accord pour abolir dans la législation anglaise les derniers vestiges d’une époque d’intolérance. Aussi le Bill proposé par M. Asquith fut-il adopté à la majorité considérable de 410 voix contre 86, et envoyé à la Chambre des Lords.

Il eût été facile à cette Chambre, où l’opposition disposait d’une majorité considérable, de créer des embarras au gouvernement en le rejetant et de profiter de cette occasion pour