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rabâchées, les deux demandes de Gramont et invoqué cette crainte de la Russie qu’il prétendit ensuite n’avoir pas eue, fatigué lui-même de ses subterfuges, laisse enfin échapper à découvert le fond de sa pensée : « Il faut absolument qu’un premier succès des armes françaises vienne dégager la situation et amène un revirement qui nous rende aussi la tâche plus facile. »

Lors de la guerre de Crimée, Palmerston, découvrant dans la pensée de l’Empereur les illusions qui y renaissaient en 1870, à ce moment, avait essayé de l’en guérir : « On nous dit chaque semaine : Il ne faut pas que l’Autriche nous échappe, mais nous ne la tenons pas encore, et jamais nous ne la tiendrons, tant que nous ne nous serons pas montrés les plus forts. Victorieux, nous commanderons son amitié et peut-être son épée ; n’ayant pas de succès, nous n’aurons pas même sa plume. » (28 mai 1856.) Qui donc contestera que Beust, en devenant ministre de l’Autriche, ne se fût fait véritablement autrichien ?


VII

Le traité arrêté, sans attendre comment on l’accueillerait, soit à Paris, soit à Florence, Vimercati partit pour Metz le porter à l’Empereur et Vitzthum alla le soumettre à Victor-Emmanuel (29 juillet). Mais pendant que les deux messagers cheminaient, arrivèrent de Paris des refus inflexibles. Gramont n’avait pas arrêté son attention sur l’article 5 ; il avait été au contraire très frappé de l’article 7 et il avait immédiatement fait dire au Roi par Malaret : « La seule idée de livrer le Pape en échange du concours de nos alliés nous couvrirait de honte. Rien ne serait plus affreux pour l’Italie et pour le Roi que d’entrer sur le territoire pontifical par suite d’un marché de ce genre. » (27 juillet, 4 heures et demie du soir.) A Vimercati il télégraphiait : « Aucune considération ne nous fera abandonner la Convention de septembre. Nous renoncerons plutôt aux alliances que nous avons recherchées. » (27 juillet.) Beust, au fond, se moquait de la question romaine : il ordonna à Vitzthum, par un télégramme qu’il devait trouver à son arrivée, de rayer définitivement du projet d’entente, entre l’Autriche et l’Italie, l’article 7 relatif aux bons offices du Cabinet de Vienne dans la question romaine. Malgré cette suppression, il exprima à La Tour d’Auvergne l’espoir que « l’accord pourrait s’établir dans ces conditions