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ne pouvait et ne devait qu’effleurer la question dans cette comédie légère qui côtoie sans cesse le vaudeville, comme il convenait, l’héroïne en étant une quadragénaire romanesque. Cette pièce est un excellent spécimen du théâtre de genre.

La Fugitive est jouée à ravir par Mme J. Cheirel, parfaite de rondeur, de bonne humeur et de finesse dans le rôle de la grosse dame amoureuse. Mme Yvonne de Bray qui lui donne la réplique dans le rôle d’Antoinette, dessine, en contraste et très spirituellement, une silhouette de petite femme nerveuse et sèche. M. Claude Garry a eu des passages de réelle émotion dans le rôle de l’officier ministériel qui a un cœur et qui souffre. M. Gaston Dubosc, l’archéologue, est la cordialité même, tout le long de la pièce, et M. C. Dechamps, le petit Dériver, a été charmant au second acte.


Les Noces de Panurge, qui attirent beaucoup de monde au théâtre Sarah-Bernhardt, tiennent à la littérature par ce nom de Panurge, le plus vivant, le plus humain, et le plus populaire des héros de Rabelais. Nous protons aujourd’hui, avec une libéralité sans limites, à l’auteur de Pantagruel, toutes sortes d’intentions dont nous sommes bien assurés qu’il ne les a jamais eues. C’est le privilège des grands écrivains : leur œuvre, à traverser les siècles, se charge d’élémens et comme d’alluvions que lui apportent à mesure les milieux successifs par où elle passe. Nous aimons surtout à voir dans chaque personnage un symbole. Si donc Gargantua ne pouvait manquer d’être un mythe solaire, Panurge devait symboliser le peuple de Paris, — quoique Tourangeau, — ou peut-être l’humanité tout entière. Plus simplement, c’est un de ces drôles, comme on en trouve tout le long de notre littérature, de la même lignée à laquelle appartiendront les Scapin du XVIIe siècle, les Gil Blas et les Figaro du XVIIIe. Fertile en expédiens, léger de scrupules, besogneux, bavard, hâbleur, lâche devant le danger et fanfaron une fois le danger passé, quelles que soient ses ressources d’ingéniosité, il ne s’élèvera jamais bien haut parce qu’il a des vices : il lui manque ce minimum d’honnêteté, ou de tenue, qui est nécessaire à qui veut faire carrière. Et pourtant, voleur, menteur, jouisseur, il plaît quand même, parce qu’il a de l’esprit et qu’il est gai.

Dans la pièce de MM. Adenis, nous assistons d’abord à la fameuse consultation : Panurge doit-il se marier ou ne pas se marier ? La rencontre qu’il fait d’une petite camarade d’enfance, devenue une belle jeune fille, Bachelette, nous donne à penser que tôt ou tard, et en