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le supplier. Cependant Peppino Sigismondi meurt ; la détresse succède à l’abondance ; du même coup, le mari trompé apprend son déshonneur. Alors, poussé par la misère sans cesse grandissante, par la nécessité même de cacher à son entourage la source de sa richesse première, il fait comme l’employé qu’il condamnait ; il puise dans la caisse de ses patrons, à la banque ; il vole. Il retrouve ainsi une aisance qu’il lui faut soutenir pur des vols nouveaux, jusqu’au jour où tout se découvre. Or voyez avec quelle force Rovetta rend l’impression première des objets extérieurs sur notre âme ; c’est par l’aspect seul des choses que nous prenons d’abord connaissance des péripéties du drame ; il nous suffit d’ouvrir les yeux pour comprendre, et de regarder pour être instruits :


ACTE Ier. — Chez les Moretti, salle à manger dans laquelle Élise travaille et reçoit les visites. Tout respire une grande aisance. Armoire, buffet, bouteilles de liqueurs, de conserves, etc. Une belle pyramide de fruits, l’assiette au fromage recouverte de sa cloche, un énorme gâteau. Sur la cheminée, des candélabres garnis de bougies intactes. Grande table en noyer sans tapis. Sur la table, grand vase rempli de fleurs fraîches. Suspension à pétrole. D’un côté, un petit bureau de dame, de l’autre, celui de Charles, sans aucun luxe, avec des paperasses amoncelées. Près du bureau de Charles, une chaise encombrée de papiers et de registres ; près de celui d’Élise, un petit fauteuil bas ; petit panier à ouvrage sur le bureau. Quand la porte est ouverte, on voit l’antichambre, un portemanteau avec un chapeau, un paletot, etc. Sonnette électrique à la porte.

ACTE II. — Même décor qu’au premier acte, mais avec un aspect plus nu, plus misérable. Le buffet est vide ; il n’y a plus de bouteilles de liqueur ni de conserves. Seulement deux bouteilles vides et une à moitié pleine de vin. Ni fruits, ni fromage, ni gâteau. Plus de suspension. Quelques bouts de bougie aux candélabres.

ACTE III. — Même décor qu’aux deux actes précédens, mais avec plus de luxe, plus de richesse, — plus encore qu’au premier acte. Sur le buffet il y a de nombreuses bouteilles, une belle pyramide de fruits, des gâteaux. Des fleurs dans les vases, des bougies neuves aux candélabres. On voit une superbe suspension au-dessus de la table recouverte d’un tapis neuf. Quand le rideau se lève, la scène reste vide un instant, puis on entend la sonnette. Camille sort : c’est une femme de chambre de bonne maison, robe noire, tablier blanc… (L’École du déshonneur, trad. Lécuyer.)


— De même, Rovetta ne se fait pas scrupule d’introduire de nouveaux personnages au milieu du récit, ou même à la fin, contrairement aux préceptes des bonnes rhétoriques, soucieuses d’une composition régulière, mais conformément aux lois de la vie. On ne les attendait pas, on ne les prévoyait même pas : ils