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origine. Ils avaient divisé les hommes en solaires, en lunaires, en saturniens, en martiens, etc. Des cultes avaient été fondés, des peuples s’étaient groupés autour de ces idées. L’unité de la race aryenne, la pureté de son sang, permettait alors à ses guides de ne pas s’occuper de l’atavisme physique. Mais lorsque, après la conquête de l’Inde par les Aryas, les brahmanes, élèves et héritiers des richis, virent le tumulte des races indigènes autour des vainqueurs, et le métissage grandissant de la minorité blanche par ses croisemens avec le sang noir, jaune et rouge, ils se trouvèrent en présence d’un problème autrement aigu que celui des temps védiques, où ils n’avaient eu à diriger que leur propre race, homogène et sélectée depuis des siècles. La question était grave et la situation menaçante. À vrai dire, toute la destinée tragique de l’Inde provient de la trop grande diversité de ses races et de la submersion, inévitable à la longue, de la race supérieure par les races inférieures, qui avaient des qualités remarquables, mais où se rencontraient aussi les germes d’affaiblissement et de corruption propres aux déchets d’une humanité en régression[1].

Les brahmanes enrayèrent le mal le mieux qu’ils purent par les barrières formidables qu’ils dressèrent entre les quatre castes qui se partageaient les diverses fonctions sociales. Au sommet de l’édifice, les brahmanes, le plus pur sang aryen, détenteurs du culte, de la science et de la religion. Au-dessous d’eux, les kchatrias (les forts), rois ou guerriers, nobles représentans de la race conquérante, quoique déjà légèrement métissés par les autres. Plus bas, les marchands, les agriculteurs et les artisans d’ordre supérieur, sang-mêlés où prédominaient les races vaincues. Au dernier rang, les soudras (plus tard appelés les parias par les Portugais), serviteurs voués aux travaux inférieurs, composés de la lie des indigènes et considérés comme sans culte et hors la loi. Seule cette dernière classe était exclue de la religion brahmanique. Les autres, rois, guerriers, agriculteurs, lisaient les Védas, participaient au culte. Initiés, chacun à son degré, aux mystères religieux, ils avaient droit au titre de dwydia ou de deux fois né.

La société brahmanique présentait ainsi l’aspect d’une

  1. Ce point de vue a été mis en lumière d’une façon remarquable par le comte de Gobineau dans son livre exclusif, mais génial, sur l’Inégalité des races humaines.