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LE MYSTÈRE DE L’INDE.

innombrables dans cette Âme du Monde. Brahmân, qui signifie Respir, Aspir et Prière, était donc pour les richis le Dieu intérieur, le Dieu de l’âme humaine et de l’Âme universelle, d’où jaillissent tous les Dieux et tous les mondes et dont la manifestation constitue le sacrifice universel.

On trouve un écho, très affaibli, il est vrai, de cet état d’esprit dans un hymne dont l’auteur inconnu, instruit par les richis, essaye de se représenter l’origine du monde :

Il n’y avait alors ni mort ni immortalité ; —
Ni jour, ni nuit, ni mouvement, ni souffle.
L’Un seul respirait de sa propre force

Et en dehors de Lui il n’y avait rien.
Les ténèbres enveloppaient les ténèbres,
Le Tout était un Océan sans lumière,
L’Un vide dans un désert immense.
Il naquit par la force d’une chaleur interne.

Il en sortit d’abord l’Amour,
Première semence de l’Esprit.
La parenté de l’Être et du non-Être,
Les sages l’ont trouvé dans leur cœur.

Il ressort de tout ceci que les premiers richis de l’Inde puisèrent à la source première de toute sagesse, qu’ils contemplèrent ces arcanes dans les grandes lignes sans en distinguer maints détails, et que leurs disciples, les chantres védiques, ne purent exprimer ces vérités primordiales qu’en des formes transposées et souvent confuses. Mais ces premiers sages n’en furent pas moins les pères de toutes les mythologies et philosophies postérieures. Leur sagesse intuitive est à la science raisonnée, qui lui succéda, ce que la lumière blanche est aux sept couleurs du prisme. Elle les renferme toutes en son foyer incandescent. L’œuvre du prisme n’en est pas moins une création nouvelle et tout aussi merveilleuse. Car, comme l’a dit un des plus grands sages des temps modernes, Gœthe, qui fut à la fois un grand poète et un grand naturaliste : « Les couleurs sont les actions et les souffrances de la lumière. » On pourrait dire en ce sens : la voyance primitive fut la mère de la sagesse, et la sagesse est la mère des sciences et des arts, comme la voyance retrouvée sera peut-être un jour leur synthèse.

C’est donc par un immense effort de volonté que les richis