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sur les nuées et la pluie. Il connaît toutes les magies de la vie quotidienne, les charmes de l’amour, de la guerre, des champs et des troupeaux. Il écarte et guérit les maladies. Il est le médecin et le jurisconsulte de cet âge, et tous ces pouvoirs lui viennent de sa science spirituelle. On l’invite, on lui fait des présens pour obtenir sa parole bienfaitrice et ses bénédictions et éviter ses malédictions. Il est avant tout le sacrificateur et le connaisseur des innombrables rites secrets qui rendent fécond le sacrifice[1]. » Lorsque les Bharata ont vaincu en Inde, le prêtre du roi vainqueur leur dit : « Je chante les louanges d’Indra, du monde terrestre et divin, moi Viçvamitra. Ma parole magique protège les Bharata (hymne védique). » Un prêtre royal de cette espèce est « la moitié du moi » d’un prince. À sa nomination, le prince prononce une parole analogue à celle de l’époux qui saisit la main de l’épouse : « Ce que tu es, je le suis ; ce que je suis, tu l’es ; toi le ciel, moi la terre ; moi la mélodie du chant, toi la parole. Ainsi accomplissons le voyage ensemble. »

Mais si l’on eût demandé à ce brahmane : « — D’où te vient ta science ? » il eût répondu : « — Des richis. »

Qu’était-ce donc que ces richis ? Les fondateurs préhistoriques de la caste et de la science des brahmanes. Dès l’aube des temps védiques, ceux-ci formaient une caste séparée des profanes. Les brahmanes se divisaient alors en sept tribus et se disaient les possesseurs uniques du Brahmân, c’est-à-dire de la sainte magie qui permet le commerce avec les êtres divins du monde spirituel. Eux seuls avaient le droit de prendre part au breuvage enivrant, au sôma, à la boisson des Dieux, dont la liqueur du sacrifice rituel n’était que le symbole. Ils faisaient remonter leur origine à des êtres lointains et mystérieux, aux sept richis « qui, au commencement des choses, sous la direction divine, avaient conduit les hommes au delà du fleuve du monde Rasa[2]. » Ceci prouve clairement que les richis des temps védiques avaient conservé par tradition le souvenir des émigrations qui vinrent de l’Atlantide en Europe et en Asie. Or ces richis avaient laissé des successeurs, qui vivaient dans

  1. Hermann Oldenberg, Die Litteratur des alten Indiens, 1903.
  2. Ce passage extrêmement significatif des Védas, rapporté par Oldenberg dans l’ouvrage précité (p. 17), nous reporte à une époque très lointaine, à une civilisation entièrement perdue et à ce continent disparu dont Platon a parlé sur la foi des prêtres égyptiens dans son dialogue sur l’Atlantide.