Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/359

Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
353
LE MYSTÈRE DE L’INDE.

magiques et appeler cette flamme : le dieu Agni. Il se disait alors que cette race était en possession d’une magie nouvelle et que le feu qu’elle portait avec elle lui venait des dieux redoutables, des dieux d’en haut.

Si toutefois l’on eût demandé au patriarche, au chef aryen ou au roi conducteur de peuplade d’où lui venaient son pouvoir, sa richesse, ses gras troupeaux, la noble épouse, les fils vaillans, les filles florissantes, il eût répondu : Du sacrifice du feu, que nous célébrons sur la colline avec le brahmane.

Or, que signifiait ce sacrifice du feu ? et qu’était-ce que ce brahmane ? Une famille ou une tribu entière est réunie avant le jour sur la colline où se dresse l’autel de gazon. On chante l’Aurore, « la généreuse Aurore, la fille du ciel, qui réveille tous les êtres. » Elle se lève, le feu s’allume sur l’autel dans l’herbe sèche par le bois frotté, et le soleil bondit de cime en cime. Un chanteur s’écrie : « Admire la grandeur et le miracle de ce Dieu : hier il était mort, aujourd’hui il est vivant. » Ainsi Agni était dans le ciel et sur la terre, dans le soleil et dans la foudre ; l’homme ressuscite le Dieu mort en allumant le feu de l’autel. Tous les dieux s’y mêlent, et les ancêtres, vêtus d’un corps glorieux, viennent eux aussi s’asseoir sur le gazon et veiller sur la famille. Ainsi l’Aryen primitif entre dans le sacrifice universel, et ce sacrifice est joyeux. La figure et le mouvement des dieux, c’est-à-dire les forces cosmiques invisibles, se dessinent sous la transparence de l’univers. Le Jour et la Nuit sont comparés à « deux tisseuses qui dansent en rond autour du pilier du monde. » Le Ciel et la Terre sont appelés « les deux valves du monde. » Et l’Aryen croit que par une de ces valves les dieux descendent sur la terre et que par l’autre les hommes remontent vers les dieux. Il le croit parce qu’il le sent et le vit dans sa communion intime avec les élémens. Il le croit plus encore parce que l’évocateur du feu, le maître de la science sacrée, le brahmane l’affirme.

Celui-là est vraiment l’inspirateur des patriarches, des chefs et des rois, l’ordonnateur de ce jeune monde. « C’est lui qui accomplit tous les rites. Il consacre le jeune homme à la tribu. Il interprète les songes et les signes, aide à l’expiation des fautes et de l’impureté. Il connaît les rites secrets par lesquels on devient l’ami et le compagnon du soleil, par lesquels on se pénètre de sa force et ceux par lesquels on acquiert le pouvoir