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une mesure de grâce, la refusait ; les responsabilités appartenaient désormais à Foerster, prince-évêque de Breslau.

Il tenta de s’en décharger sur Blum, de Limbourg, sur Ketteler, de Mayence, et finalement il les garda. C’est à lui qu’une lettre d’Arnim, en juillet 1870, avait prédit la persécution future. Foerster était un bon prêtre ; les débats théologiques lui déplaisaient, et jadis il eût volontiers acquitté pour leur pureté d’intention certaines doctrines philosophiques suspectes ; sa main prompte à bénir était lente à frapper. Il goûtait l’esprit de paix, on pourrait dire : le pacifisme, de son illustre prédécesseur Diepenbrock, dont il avait lui-même écrit la vie. Mais à l’heure où les détresses de l’Eglise lui imposaient un ministère de lutte, il sut en être digne. Il écrivit à Guillaume, vainement d’ailleurs, pour que la sanction des lois fût retardée. Et puis il étudia la situation, consulta les évêques, consulta Rome.

Les paroisses vacantes en fait, ou considérées par l’État comme vacantes, allaient se multiplier : comme aucun prêtre du dehors ne pouvait plus y faire acte de culte, les fidèles ne sauraient plus où se marier ; s’ils faisaient bénir leur union, dans quelque paroisse fonctionnant encore, par un prêtre qui n’était pas le leur, elle risquait, de par le décret de Trente, d’être clandestine et dès lors invalide. Foerster réclamait du Pape, pour tous les prêtres de Prusse, de très larges dispenses, leur permettant de bénir en tous lieux des mariages. Les évêchés dits vacans, aussi, allaient se multiplier : la force éloignait les évêques de leurs diocèses ; comment s’organiseraient, en l’absence du pasteur, ces bercails ainsi ravagés ? Antonelli, le 30 mai, répondit à Foerster : il lui adressait copie des permissions que cinq jours plus tôt l’on avait envoyées de Rome au vicaire général de Posen pour faire face à toutes les éventualités ; chaque évêque devait transmettre au Saint-Siège une liste de prêtres, qui, successivement, prendraient dans le diocèse orphelin les pouvoirs épiscopaux, et représenteraient en secret l’évêque absent ; lorsque le premier désigné, tombant sous la main de la police, s’en irait en prison, ce serait le tour du second, et ainsi de suite ; et chacun, d’avance, posséderait la « délégation apostolique, » symbole de son attache avec Rome, en vue du jour glorieux et périlleux où tous les confrères qui le précédaient sur la liste l’auraient précédé en prison, et où l’heure sonnerait pour lui, de prendre d’abord, en secret, le gouvernement du diocèse et de