Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en plein Landtag, traitée d’antipatriotique par le ministre Eulenburg ; et les fonctionnaires étaient priés d’en sortir. Les membres du Centre et leurs électeurs ne restaient pas dignes d’être Allemands : cela se disait sans relâche et s’écrivait sans cesse, avec une insolence qui risquait de dépeupler l’Allemagne, puisque chaque jour s’élargissait leur conquête.

Un jour de janvier, Mallinckrodt en eut assez, et le défi qu’il jeta fut terrible. On discutait sur la liberté électorale des agens de l’État, à propos de la révocation d’un administrateur de district. Mallinckrodt rappela que dix-huit ans plus tôt les libéraux avaient défendu l’indépendance des fonctionnaires contre un ministère conservateur, et que, dans ce temps-là, il était avec eux pour la liberté, comme aujourd’hui, pour elle encore, il était contre eux ; et puis, las d’entendre inculper le patriotisme des catholiques rhénans, il prit une revanche de polémiste qui fit l’effet d’un coup de foudre. Il parla d’un personnage de l’État qui s’était déclaré, en 1866, plus Prussien qu’Allemand, et qui avait dit, en cette même année, qu’il céderait sans difficulté à la France le Palatinat Rhénan, Trèves et Coblentz ; les nationaux-libéraux admiraient cet homme, et ils accusaient les catholiques ! Mallinckrodt, se retournant vers eux, leur demandait : De cet homme ou des catholiques, qui donc a plus de patriotisme allemand ? Cet homme c’était Bismarck ; Mallinckrodt abritait son assaut derrière les révélations que venait de publier le général La Marmora. Un fédéraliste, un ultramontain, un ami des Guelfes, prenait licence de parler au nom de l’Allemagne, de cette Allemagne qu’en 1870 Bismarck avait étendue jusqu’aux Vosges, et de l’interpeller sur l’intention qu’un moment il semblait avoir eue de multiplier pour les Français les têtes de pont sur le Rhin. Le chancelier n’était pas là ; la Chambre, un peu troublée, s’évada tout de suite vers les discussions pendantes. Mais quelques instans après, Bismarck arriva, réclama la parole pour un fait personnel, repoussa comme une invention mensongère l’allégation de Mallinckrodt, profita de l’occasion pour dire son fait à Schorlemer Alst, bouscula Mallinckrodt qui le rappelait à l’ordre du jour. — Le livre existe, insistait l’orateur du Centre ; les documens sont là, pourquoi n’avez-vous pas démenti ? — Bismarck alors, au lieu de répéter l’accusation de mensonge, accablait de son mépris l’indiscrète publication qu’avait osée La Marmora : quelques