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Les élections du 10 janvier, tout au contraire, furent pour elle un triomphe. Elle fit réussir 92 de ses candidats. Le Reichstag, comme la Chambre prussienne, vit s’éclipser le vieux parti conservateur : il n’y avait plus que 17 députés qui arborassent encore ce nom. Le Centre et les nationaux-libéraux, au Reichstag et au Landtag, devenaient les deux forces décisives, et ce qui frappa l’Allemagne, c’est que la Bavière, surtout, contribuait au progrès numérique du Centre. Dans le combat contre Rome, unitaires et vieux-catholiques avaient fixé au royaume des Wittelsbach une place d’avant-garde ; il ripostait en expédiant au Reichstag, sur 47 députés, 34 défenseurs de l’Eglise.


II

Bismarck, était mécontent : il voyait dans les progrès des « ultramontains, » en même temps qu’un défi pour les lois ecclésiastiques, un obstacle aux projets militaires. De vive force il fallait emporter pour ces projets le suffrage des nationaux-libéraux. Il allait donc viser, derrière les évêques français, la catholique France, s’abandonner à ces excitations à demi sincères, à demi factices, dont il était à la fois l’esclave et le maître, et affoler les imaginations, la sienne tout d’abord, avec le cauchemar d’une nouvelle mêlée sanglante, possible et peut-être prochaine, entre l’« ultramontanisme » des Français et la « pensée libre » des Germains.

Dès le 13 janvier, il priait Gontaut de venir le voir et réclamait de la France, contre certains mandemens épiscopaux qui visaient l’Allemagne, un acte explicite. Il lui parlait de la guerre sans merci que le Pape, partout, avait déclarée aux droits de l’État ; de la croisade épiscopale qui, sur un mot d’ordre de Rome, s’organisait en tous pays contre l’Allemagne ; de ces évêques que jadis il aurait comparés aux sénateurs romains sous la République, et qui, aujourd’hui « déchus au rang de sénateurs romains sous l’Empire, subissaient en tout la volonté du Pape. » « Les attaques qui nous viennent de France, insistait-il, ont une gravité exceptionnelle parce qu’elles agissent sur des sentimens mal éteints, et parce qu’elles sont un encouragement à des résistances dont nous voulons avoir raison à tout prix. » Bismarck avait lu dans un journal de Bavière que la victoire du parti clérical en France fortifierait à Munich