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avoir agi de bonne foi. Le doute n’empêchait même pas la cérémonie nuptiale de s’accomplir pourvu que les conjoints prissent l’engagement, si le soupçon était confirmé, d’obtenir une dispense en cour de Rome. Quelquefois l’officialité ordonnait la séparation jusqu’à ce que la dispense eût été accordée. Pour obtenir des lettres de dispense ou de validation, on pouvait aussi s’adresser au Roi. On ne s’en contentait pas toujours, on estimait aussi nécessaire de « réhabiliter » le mariage, c’est-à-dire de procéder à un nouveau. L’édit de Nantes rendait les degrés prohibés obligatoires pour les protestans.

Les annonces faites au prône avaient encore pour utilité d’empêcher la bigamie. Ce qui pouvait l’empêcher bien mieux encore, c’était le certificat de décès établissant la viduité de celui ou de celle qui voulait convoler. Il était délivré par le curé ou l’officier civil du domicile et le clergé paroissial devait en exiger la production avant de remplir son ministère, à moins d’avoir la certitude directe du décès. Les pénalités étaient, sans parler de la séparation qui mettait simplement fin au scandale, l’amende pécuniaire, l’amende honorable, le pilori, la hart et, spécialement pour les femmes, le fouet, la tonsure et l’internement dans un couvent.

Le moment était venu de dresser le contrat de mariage. Le notaire en donnait lecture au domicile de la fiancée, en présence des futurs et de leurs parens et amis. À défaut de contrat, les conjoints étaient soumis à celui de la coutume, « parce que la coutume est le contrat de ceux qui n’en font point. » Le régime légal qui suppléait aux volontés des parties était, nul ne l’ignore, pour les pays de droit coutumier, la communauté, pour les pays de droit écrit, le régime dotal. La communauté tacite comportait, à l’époque qui nous occupe, celle des meubles et conquêts, le droit pour le mari de disposer de la dot, la limitation de ses pouvoirs sur les propres à des actes d’administration, le douaire coutumier. Le régime dotal était caractérisé par l’inaliénabilité de la dot. Quant aux dispositions légales empruntées au droit romain pour protéger la faiblesse de la femme contre l’influence des tiers et surtout du mari et qui lui refusaient la capacité de s’obliger pour autrui, quant au sénatus-consulte Velléien et à l’authentique Si qua millier, elles partaient du même esprit que l’inaliénabilité dotale, mais elles étaient tellement tombées en désuétude que la renonciation de l’intéressée était devenue dans