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la preuve par écrit. Leur rupture entraînait des peines spirituelles et des dommages-intérêts. Elle était constatée par des lettres de rémission de foi délivrées par l’officialité aux frais du coupable. La résiliation amiable était suivie de la restitution des cadeaux. Elles devenaient caduques au bout d’un an.

À côté de ces fiançailles au grand jour, religieuses ou civiles, comment ne pas penser à tant de fiançailles secrètes entre amans dont les vœux sont contrariés, soit « devant Dieu et les astres, » comme les sermens échangés entre le héros et l’héroïne de l’Élise de Camus, soit devant les autels comme ceux de Henri de Bullion et de Marguerite Durand assistant à Saint-Merry, en 1604, à la grand’messe de l’Ascension, plaçant l’échange de leur foi sous la consécration du mystère de l’autel, transformant, le jour de la Pentecôte, ces promesses verbales en un engagement écrit et signé de procéder le plus tôt possible au mariage devant le ministre de Dieu en dépit de tous les obstacles que leurs familles pourront y apporter.

La prudence de l’Eglise, en réduisant l’intervalle entre les fiançailles et la bénédiction nuptiale, n’avait pas fait disparaître la période de familiarité et d’intimité que l’usage accordait aux futurs pour leur permettre d’apprendre à se connaître et à s’aimer. Fiancés ou prétendans, agréés le plus souvent par la famille ou jaloux de se donner directement l’un à l’autre, il s’établissait toujours entre eux ces rapports de galanterie plus ou moins libre et respectueuse, suivant les classes et les gens, que définit l’expression « faire sa cour. » Voici, ou peu s’en faut, comment les choses se passaient dans la bonne société.

Polyante, à peine habillé, se rend chez Zaralinde dont il recherche la main. Il s’informe si elle est éveillée. On lui répond qu’il ne fait pas encore jour dans sa chambre, mais sa qualité de prétendant lui donne des privilèges et il entre. Il s’assied et attend le réveil de la belle endormie. Celle-ci entr’ouvre les rideaux de son lit et dans le demi-jour reconnaît Polyanie. Elle agrée les excuses de son prétendant pour avoir pénétré jusqu’à elle, t’engage même à calmer ses scrupules et à faire trêve de cérémonies et le fait asseoir près de son lit. Encouragé par cet accueil, Polyanie baise passionnément la main qui vient de tirer le rideau. Sans donner aucun signe de mécontentement et comme machinalement, Zaralinde la retire et Polyante, attribuant ce geste à une pudeur alarmée, revient à