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aurait été accompli avec la bonne volonté de la fille séduite et menaça les complices de pénalités d’exception. Elle défendit aux tuteurs d’accorder leur agrément sans l’avis conforme des plus proches parens, aux notaires de recevoir des promesses de mariage par paroles de présent et à tous les gentilshommes de contraindre leurs sujets à donner leurs filles à leurs créatures. L’ordonnance de janvier 1629 vulgairement connue sous le nom de code Michau, confirmant celle de 1579, frappa d’invalidité les unions contractées en violation des dispositions de cette dernière, défendit aux prêtres de donner la bénédiction nuptiale à d’autres qu’à leurs paroissiens sans la permission du propre curé ou de l’ordinaire et obligea les juges ecclésiastiques à conformer leur jurisprudence à cet article, renouvela enfin, en les aggravant, les pénalités draconiennes prononcées par celle de 1579. L’ordonnance de 1629, il est vrai, ayant soulevé contre elle l’opposition du Parlement de Paris, n’entra qu’à la longue dans l’application, mais elle fut ratifiée par la déclaration du 19 décembre 1639.

Faut-il voir dans cette réglementation légale la pensée de séculariser le mariage ? Nous n’avons pas, pensons-nous, beaucoup à faire pour mettre le lecteur en garde contre un pareil anachronisme. Quelque place qu’il donne dans l’histoire à l’antagonisme des deux puissances, il n’ira probablement pas jusqu’à prêter un tel dessein à la monarchie chrétienne de ce temps-là. Il comprendra qu’il n’y a là qu’une différence de points de vue et de devoirs. Quand elle s’occupait du mariage pour en rendre les conditions plus sévères, l’autorité séculière ne s’inspirait que de l’ordre public. C’est au nom de l’ordre public qu’elle demanda au Saint-Siège et au concile d’introduire dans l’essence d’un sacrement une obligation nouvelle et, en le demandant, elle rendait hommage à l’indépendance doctrinale de l’Église. Celle-ci, de son côté, était si loin de méconnaître l’importance des considérations temporelles qu’elle avait inscrit la clandestinité et le rapt au nombre des empêchemens dirimans. Mais l’intérêt moral et social de la puissance paternelle ne pouvait l’emporter chez elle de haute lutte sur l’idée qu’elle se faisait du mariage et sur les devoirs qui découlaient pour elle de cette idée. Elle y voyait à la fois un sacrement et un refuge contre la concupiscence et, à ces deux titres, elle ne croyait pas pouvoir trop le favoriser. N’ayant pu en obtenir un sacrifice de plus aux