Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les questions que nous venons d’énumérer relèvent de deux domaines dont la réciproque dépendance est évidente, mais qui pourtant restent distincts : la législation et les mœurs. C’est par la législation qu’il faut commencer et l’on ne peut en établir les vues et la suite sans remonter jusqu’au milieu du XVIe siècle, jusqu’à ce concile de Trente par lequel l’Eglise sauva, en le justifiant de nouveau, son empire moral amoindri. Reprenant en 1562, après une suspension qui avait duré dix années, le cours de ses séances, le concile s’occupa de définir le caractère et la validité canoniques du mariage auquel les novateurs refusaient toute valeur sacramentelle. Le mariage demeura, au contraire, pour l’Eglise un sacrement dont l’essence consistait toujours dans l’accord des parties, mais elle comprit qu’elle ne pouvait pas se borner à cette conception morale, qu’il fallait tenir compte des risques que la clandestinité faisait courir à l’ordre social. Elle décréta donc l’invalidité des mariages clandestins. La clandestinité résulta pour elle de l’omission de deux conditions, seules considérées comme résolutoires : la présence du propre curé, c’est-à-dire du curé de la paroisse d’un des conjoints et celle des deux témoins de rigueur. Ce décret frappa de nullité ce qu’on appelait les mariages par paroles de présent, c’est-à-dire ceux qui avaient été contractés par un simple échange de volontés, même lorsqu’ils avaient été suivis de consommation et étaient devenus par là ce qu’on nommait des mariages présumés. Le concile exigea aussi la publication de trois bans sans sanctionner par la nullité l’absence de cette publication et en accordant à l’évêque le droit de dispenser, dans un intérêt majeur, même de tous les trois. Sur les sollicitations des représentans de la France, le rapt devint un empêchement dirimant entre le ravisseur et la victime, tant que celle-ci restait dans la possession du premier. Le concile se refusa, au contraire, à déférer aux vœux du gouvernement français en faisant du consentement des parens une condition essentielle de validité. Il se contenta de condamner et de défendre les unions qui se passaient de ce consentement. Il craignit de paraître donner un aveu à la théorie purement séculière que les protestans opposaient à la doctrine sacramentelle.

Avant de solliciter, pour fortifier l’autorité familiale, les décisions apostoliques, nos rois avaient entrepris eux-mêmes de