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en une fédération interprovinciale, chargée d’assurer l’unité de direction politique et d’entretenir les relations avec le gouvernement et le Parlement. Ce sont les délégués de cette Fédération qui, à la suite des récens conflits, ont provoqué l’enquête parlementaire sur les conditions de la Romagne.

En 1908, les propriétaires, ont complété cette organisation par l’institution d’une « Société d’assurance mutuelle contre les dommages résultant des grèves agricoles.  » La Mutua Scioperi, qui a son siège à Bologne, n’assure que les propriétaires ou les fermiers-généraux qui font partie d’une Agraria. La police d’assurance est établie sur la base d’une déclaration concernant le revenu de la terre, la valeur du bétail et du matériel agricole. En cas de dommage, l’assuré n’a droit à la prime que s’il a suivi exactement les directions de l’Agraria dont il fait partie. Les garanties de solidarité et de discipline que ce système d’assurance procure à l’organisation n’ont pas encore paru suffisantes aux propriétaires, qui en ont imaginé une autre. À Parme, lors de la grève, un sociétaire avait jugé prudent de faire souscrire à chaque membre de l’Association une lettre de change en blanc (cambiale in bianco) pour une somme proportionnée à l’importance de ses biens fonciers : si le souscripteur manquait à ses engagemens vis-à-vis du Comité de résistance, le montant de sa lettre devenait immédiatement exigible. Ce procédé énergique donna les meilleurs résultats, et la plupart des Agrarie ont adopté l’usage de la cambiale in bianco, comme mesure de garantie et de sanction dans les périodes de conflit aigu et de résistance organisée. Lors des derniers troubles de Romagne, tous les propriétaires de Ravenne se sont engagés par écrit à ne pas renouveler les contrats de métayage ou de location, à ne mettre dans leurs terres ni semences, ni engrais, et à différer tous les travaux jusqu’à ce qu’un accord fût intervenu entre l’Association et les diverses catégories de travailleurs agricoles ; en même temps, chacun deux contractait pour trois ans une assurance à la Mutua Scioperi, et souscrivait enfin, comme gage de toutes ses obligations, une lettre de change en blanc pour une somme égale au cinquième de la valeur des produits dénoncés à l’assurance. En fait, les associations de propriétaires ont montré, durant la dernière crise, une cohésion, une discipline, une énergie dignes d’inspirer le respect et l’envie aux organisations ouvrières elles-mêmes.