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1621 et 1623. Je ne crois pas qu’aucun des portraits de Rubens, antérieurs à cette époque, puisse être comparé à ce joyau. A chacune des expositions rétrospectives de l’art belge, les musées de Saint-Pétersbourg ont apporté une participation exceptionnellement précieuse par la qualité des envois. A l’exposition van Dyck en 1899, c’était le séduisant Jeune homme à la houlette, à la Toison d’Or la miraculeuse Annonciation de Jean van Eyck. Voici le fameux Snyders et sa famille. Disons tout de suite qu’on ne saurait maintenir ce titre. A l’époque où van Dyck peignit cette œuvre, Snyders était de dix ans plus âgé que le modèle représenté. On a proposé le nom de Wildens, plus jeune de sept ans. Mais le Wildens, envoyé par le musée impérial de Vienne, et d’une identité certaine, n’a qu’une ressemblance douteuse avec le Wildens présumé de l’Ermitage. La critique, on le voit, a de quoi s’exercer. Quant à la question, posée par certains, de savoir si le tableau de l’Ermitage n’est pas plutôt l’œuvre de Corneille de Vos, elle nous paraît bien vaine. N’exagérons pas les mérites de Corneille de Vos ; on peut en faire une sorte d’émule de van Dyck, on ne saurait voir en lui le rival triomphant de l’illustre portraitiste. Dans le beau salon où le tableau de l’Ermitage fait jouer ses harmonies dorées sur un fond de la m pas bleu sombre, le Couple noble de Corneille de Vos envoyé par le musée de Berlin nous permet de mesurer la distance qui sépare les deux peintres. De Vos a bien pu parfois égaler comme coloriste le grand disciple de Rubens, — dans son chef-d’œuvre du musée de Bruxelles notamment, — mais jamais comme créateur de types vivans. Ses modèles, aux têtes très expressives d’ailleurs, auraient bien de la peine, semble-t-il, à quitter leur siège, à marcher, à agir. Quelle promptitude à se mouvoir on devine en revanche chez les êtres peints par van Dyck ! Que ce Groupe, de l’Ermitage renferme de vie ! Comme ces trois êtres sont assis et unis sans raideur, sans pose, et qu’ils sont différens à cet égard du Couple un peu maladroit de Corneille de Vos ! Et puis, ce dernier est resté très exclusivement et assez étroitement anversois par le choix de ses modèles et l’allure bourgeoise de ses types. Van Dyck, comme Rubens, pour être un plus merveilleux peintre de sa race, a considéré son milieu d’un peu haut. Après avoir peint ce chef-d’œuvre de l’Ermitage, — ai-je dit la gravité bienveillante de l’homme, la douceur inaltérable de l’épouse et la turbulence de l’enfant si