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LE ROMAN D’AMOUR
DE
M. INGRES
D’APRÈS DES DOCUMENS INÉDITS

PREMIERE PARTIE

Même pour qui croit la mieux connaître, la vie d’Ingres reste fertile en imprévu. C’est ainsi que personne ne paraît avoir connu la crise qu’il traversa, aux alentours de la vingt-cinquième année, crise morale d’une extraordinaire acuité, au cours de la quelle il songea un instant à abandonner ses pinceaux. Rien n’est indifférent chez un artiste tel que lui. A plus forte raison doit-on faire état, pour l’étude de son génie, de tout ce qui peut, en quelque mesure, nous éclairer sur les circonstances où il se développa. Le récit qu’on va lire n’a pas d’autre but que de le montrer aux prises avec les difficultés que, à l’heure la plus critique, il rencontra sur son chemin. Tous les documens qui suivent sont inédits : nous les laisserons parler, en nous bornant à les éclairer d’un bref commentaire, quand il y aura lieu.


I

Grand Prix en 1801, Ingres ne put gagner Rome qu’en 1806, lorsque le budget impérial le lui permit, ainsi qu’à quelques-uns de ses camarades. C’est pendant cette période d’attente qu’il fut présenté dans la famille d’un honorable magistrat, M. Forestier, juge suppléant, qui habitait au Petit Hôtel Bouillon, 15, quai Malaquais. En 1804, il y introduisit lui-même son père, le sculpteur