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de sa valeur. C’est abominable ! » Hefele aspirait à n’être ni infaillibiliste, ni schismatique ; Hefele rêvait l’impossible. Le grand-duc de Bade fit essayer près de lui certaines démarches pour qu’il tînt bon contre Rome. Mais du fait même de ses temporisations indociles, sa chère faculté de théologie de Tubingue, dont pendant près de trente ans il avait été le professeur avant d’en être l’évêque, périclitait ; il avait quelque droit de supposer que sa propre attitude déterminerait l’attitude de Rome à l’endroit de Tubingue. Et si Bade souhaitait que Hefele devînt un révolté, il paraissait évident que, tout près de lui, le gouvernement wurtembergeois ne désirait nullement l’embarras d’un schisme. Le seul évêque de l’Allemagne qui songeait à résister au Concile, appartenait au seul État de l’Allemagne auquel répugnait profondément l’idée d’une persécution religieuse, à cet Etat wurtembergeois où l’on devait sentir à peine la répercussion du Culturkampf.

Partout, les attitudes se dessinaient et les décisions se fixaient : la plus grande partie des représentans de la « science allemande » acceptaient l’infaillibilité ; quelques-uns, qui la répudiaient, s’en allaient de l’Église. Dans son lointain évêché de Rotlenburg, Hefele trouvait que ceux qui s’inclinaient faisaient un acte grave, et que les autres, aussi, en faisaient un. Il savait que là-bas, en Ermeland, dès septembre 1870, Thiel et Hipler avaient fait adhésion ; que plus près de lui, à Munich, le mois de novembre avait été marqué par la soumission de Reischl, de Reithmayr, de Haneberg, et qu’à Bonn, en janvier, ce même professeur Dieringer, qui naguère provoquait la déclaration de Kœnigswinter, avait docilement évolué vers la correction doctrinale. L’évêque, angoissé, se demandait s’ils avaient bien considéré, dans leur empressement à s’agenouiller, tout ce qu’ils devaient à la « science » et à leur propre passé. Mais combien terribles, d’autre part, étaient les mesures d’exil auxquelles d’autres exposaient leurs consciences ! Ces autres, qui laissaient se murer les portes de l’Eglise devant leurs âmes désormais déracinées, c’étaient, à Bonn, Langen, Reusch et Knoodt, frappés par l’archevêque de Cologne avant la fin de 1870 ; c’étaient, à Breslau, Baltzer et Reinkens, contre qui sévissait, dès novembre 1870, le prince évêque Fœrster ; c’étaient, à Munich, Dœllinger et M. Friedrich, excommuniés par l’archevêque Scherr les 17 et 18 avril 1871. Sommé de se soumettre,