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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

former en unités nationales. De même qu’en Allemagne des sociétés secrètes et des affiliations mystérieuses attisaient un feu souterrain, préparaient une explosion nationale, un parti d’indépendance italienne se formait subrepticement. Nul doute qu’il n’existât entre ce parti et l’Angleterre, l’Autriche, la Russie peut-être, des frôlemens et des contacts, mais, en Italie même, le royaume de Naples semblait devoir former la base et le levier de l’entreprise.

À Naples, le parti était fort et rusé. Plusieurs conseillers du Roi lui appartenaient ; le chevalier Zurlo, ministre de l’Intérieur, et d’autres en étaient. L’inspirateur occulte, l’âme du dessein secret, c’était Maghella, directeur de la police napolitaine. Etrange figure que ce policier conspirateur, Génois d’origine, sujet français par la réunion de Gênes à l’Empire, passé à Naples où il s’est glissé dans la confiance du Roi ! Homme de louche besogne, de vastes projets et de rêve persistant, il y a en lui du sbire et de l’idéologue. Bien que sa vie dût se consumer en intrigues finalement stériles, il n’en serait pas moins un précurseur. Son rêve présent, c’était d’enrôler au service de l’idée tous les mécontentemens épars en Italie, de coaliser des haines disparates, de faire coopérer les catholiques soulevés contre le persécuteur du Pape, les patriotes déçus, les révolutionnaires comprimés, les prêtres et les francs-maçons, les moines et les carbonari, les paysans fanatisés des Abruzzes et la bourgeoisie libérale des villes. Seulement, pour rallier tous ces élémens et en faire une armée, il faudrait pouvoir, à un moment donné, leur montrer un chef doué de prestige et de rayonnement. Qui mieux que Murat tiendrait ce rôle, s’il voulait croire ce que depuis dix ans on lui répète par intermittences, à savoir que l’Italie attend un homme pour la rassembler. Il s’agit de lui persuader qu’après avoir grandi par l’Empereur, il peut un jour grandir contre l’Empereur, et que, dès à présent, en vue d’événemens peut-être prochains, il doit aux yeux des Italiens se poser en roi national.

L’obstacle à ces suggestions était la Reine. En dehors d’une soumission passive à l’Empereur, elle n’apercevait encore que chimères et folie. Pour le moment, on ne pouvait détacher totalement Murat de l’Empereur qu’en le détachant de sa femme.

Un complot fut positivement ourdi contre elle. Il ressort de divers témoignages qu’on chercha et qu’on réussit à inspirer