Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA MORT DE TALLEYRAND[1]


Un de mes amis, qui habite l’Italie, m’écrivit de Rome, au mois de septembre 1838, pour me demander ce qu’il fallait penser de tout ce qui se racontait si diversement en France des derniers jours et de la fin de M. de Talleyrand. « Envoyez-moi une longue lettre, me disait-il, et même, si vous le pouvez, un mémoire : on le lira ici avec un extrême intérêt. » J’ai tardé à lui répondre ; plusieurs graves circonstances m’ont empêché de le faire sur-le-champ. Le 2 février 1839 m’a décidé à ne pas retarder davantage. Ce que j’ai écrit n’est ni une lettre ni un mémoire : c’est le simple récit de ce que j’ai vu.


Paris, 2 février 1839.

Je consens bien volontiers, mon cher ami, à mettre sous vos yeux le récit exact et authentique des derniers jours et des derniers momens de M. le prince de Talleyrand. Dieu, qui m’a fait le témoin d’une si grande miséricorde, ne m’a pas donné une telle consolation pour moi seul ; cette consolation appartient à toute l’Eglise, car une haute réparation vient d’être offerte à son honneur, et une âme, dont un long et triste égarement faisait, depuis cinquante années, gémir la religion, vient d’être enfin rendue à la vérité, aux lumières de la foi et aux saintes joies de l’espérance chrétienne : c’est du moins ma profonde et intime conviction…

  1. M. Bernard de Lacombe, dont nous avons naguère donné des articles sur Talleyrand, est sur le point de faire paraître à la librairie Pion, sous le titre la Vie privée de Talleyrand, un volume qui contiendra entre autres choses le récit écrit par l’abbé Dupanloup, le futur évêque d’Orléans, de ses relations avec le célèbre diplomate. Ce sont les parties essentielles de ce récit que nous publions.