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Et ceci est vrai de tous les êtres vivans, depuis le plus élevé jusqu’au plus humble. « Quelque petite qu’on suppose la quantité de vie obscure qui gît dans l’organisme rudimentaire, dit M. Liard, elle n’en manifeste pas moins un fait irréductible aux phénomènes inorganiques. » Si j’ai choisi mes exemples pour ma démonstration dans les termes les plus élevés de l’échelle vivante et chez l’homme, c’est que, toutes les grandes fonctions y étant différenciées, la constatation et l’analyse des phénomènes y sont beaucoup plus faciles que chez la plante ou l’animal monocellulaire, chez l’amibe dont tous les appareils sont réunis et confondus dans une petite masse unique de protoplasma.

Auguste Comte a très nettement exposé cette doctrine : « Le passage du monde inorganique au monde de la vie marque un point critique dans la philosophie naturelle… Dès que la vie apparaît, nous entrons dans un monde nouveau… Les phénomènes biologiques présentent un ensemble de caractères qui leur sont propres. La science positive qui les étudie a pour première obligation d’en respecter l’originalité… Avec la biologie, apparaissent nécessairement les idées de consensus, de hiérarchie, de milieu, de conditions d’existence, de rapport de l’état statique à l’état dynamique, d’organe et de fonction… Ici, à l’inverse de ce qui se passe dans le monde inorganique, les parties ne sont intelligibles que par l’idée du tout… Dans les sciences du monde inorganique, on procède du cas le moins composé aux cas plus composés ; on commence par l’étude des phénomènes séparés les uns des autres ; mais les êtres vivans, au contraire, nous sont d’autant mieux connus qu’ils sont plus complexes. L’idée d’animal est plus claire pour nous que celle de végétal. L’idée des animaux supérieurs est plus claire que celle des animaux inférieurs. L’homme enfin est pour nous la principale unité biologique et c’est d’elle que part la spéculation dans cette science. »

Voilà une proposition, bien remarquable, qui fera accuser Auguste Comte d’anthropocentrisme par les savans qui, comme M. Le Dantec, veulent au contraire commencer toujours l’étude par le bas de l’échelle, par les êtres dont la vie est tellement obscure et réduite qu’on se demande s’ils vivent ou non, ou tout au moins si ce sont des végétaux ou des animaux.

À ces savans, Auguste Comte répondait d’avance : « Dès qu’il s’agit des caractères de l’animalité, nous devons partir de l’homme et voir comment ils se dégradent peu à peu, plutôt que de partir