Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/895

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle ne repose d’ailleurs que sur une hypothèse. Quant à présent, on n’aperçoit aucun motif sérieux de présumer que la langue anglaise se substituera à la langue hollandaise dans l’Afrique du Sud. La langue anglaise gagnera du terrain dans les ports et les centres industriels ; elle sera de plus en plus usitée dans le monde des affaires, dans le commerce d’importation et d’exportation. Mais c’est juger superficiellement que de lui attribuer, en Afrique du Sud, une puissance de pénétration et d’expansion capable de déplacer la langue hollandaise, hors de ce domaine restreint. L’Afrique australe est surtout un pays continental, une contrée « intérieure, » destinée à s’enrichir et à prospérer par les soins des exploitans du sol, c’est-à-dire d’une population stable, laborieuse, prolifique, attachée au territoire qu’elle aura mis en valeur. L’élément anglais peut remplir ces conditions, mais l’élément d’origine hollandaise les remplit encore mieux, et il est en avance sur son compétiteur. On sait par expérience qu’il est malaisé de « se débarrasser » des Boërs. C’est une race d’une ténacité peu ordinaire, et dans la fusion probable, désirable, qui devra se produire peu à peu, rien ne fait supposer que l’absorption se fasse dans un sens plutôt que dans l’autre.

La langue hollandaise n’a d’autre infériorité sur la langue anglaise (si c’en est une) que d’être plus difficile à apprendre. Mais de telles différences ne sont sensibles que dans l’enseignement des langues « étrangères. » Elles n’existent pas pour une langue maternelle. Les mères boërs enseigneront toujours le hollandais à leurs enfans avant de leur enseigner l’anglais ; et par conséquent il est plutôt probable que la langue hollandaise restera celle de la majorité des colons d’origine européenne dans l’Afrique du Sud.

La Constitution de l’Union met sagement les deux langues sur le pied d’égalité absolue. Les actes et documens officiels seront rédigés et publiés en anglais et en hollandais, simultanément. C’était la seule solution. Dans le domaine de l’instruction publique, on devra suivre la même règle. Les résultats dépendront de l’esprit dans lequel le principe de l’égalité sera appliqué.

Comme en Australie, le choix de la capitale a mis en présence des compétitions obstinées. Pour se mettre d’accord, il a fallu partager les honneurs. Pretoria (Transvaal) devient le