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déclarait, avec une unanimité et une énergie caractéristiques, que l’objet de la lutte était, désormais, la prépondérance dans les Balkans.

A une nouvelle démarche du comte Forgasch, réclamant une réponse directe, M. Milovanovitch répondait, le 14 mars, en protestant de ses bonnes intentions ; feignant de ne pas comprendre le sens réel des exigences autrichiennes, il expliquait de nouveau sa note du 10, renouvelait ses renonciations, mais déclinait le tête-à-tête, et maintenait son appel à l’Europe. Les efforts des diplomaties anglaise et russe, pour aboutir à une formule conciliatrice et pour éliminer, de la réponse serbe, les passages que l’Autriche se refusait à accepter, loin d’éclaircir la situation et de la détendre, la rendaient, au contraire, plus insoluble, puisqu’en réalité ce qui heurtait le gouvernement austro-hongrois, c’étaient moins les réserves et les restrictions de la Serbie, que le fait qu’elle se dérobait derrière les puissances et agissait d’après leurs conseils. Ce que voulait l’Autriche, elle l’exprimait le 23, c’était la capitulation complète de la Serbie. Durant ces deux dernières semaines de mars, la crise est arrivée à son maximum d’acuité ; on attend de jour en jour un ultimatum de l’Autriche à la Serbie ; dans les casernes, on charge les voitures et on distribue les cartouches ; militaires et chauvins s’impatientent de la rigueur de la saison qui retarde le dégel du Danube. La diplomatie s’emploie à reculer une échéance qui semble désormais fatale ; et pourtant, ce n’est là qu’un trompe-l’œil : personne, parmi les responsables, ne souhaite la guerre, chacun s’empresse à l’éviter ; mais l’Autriche est résolue à ne pas céder : elle croit l’occasion favorable pour sauvegarder et accroître son influence dans les Balkans, tenir la Serbie à sa merci sans être obligée de l’envahir, pousser jusqu’au bout le succès diplomatique que, dès le début de la crise, la position difficile prise par la Russie lui fait prévoir ; elle a mobilisé cinq corps d’armée ; elle donne avec complaisance à elle-même et aux autres le spectacle de sa force. Mais le jeu ne va pas sans risques ; vers le milieu du mois de mars l’anxiété est profonde à Vienne, dans les milieux gouvernementaux ; on fait figure d’intransigeance, mais on cherche avec angoisse une issue ; on ajourne l’ultimatum, on prête l’oreille à toutes les combinaisons. Dès le 17, le comte de Khevenhüller-Metsch suggère à M. Pichon que si la France, la première, faisait savoir à Vienne qu’elle prenait acte de l’accord