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déclarations si intentionnellement multipliées. — Non ; elles ont été le calcul juste d’une raison maîtresse d’elle-même, fatiguée de voir d’autres s’approprier la récompense quand ils n’avaient pas été à la peine. Peut-être s’y était-il mêlé involontairement quelque impatience de la sottise publique. Il n’est pas bien sûr que, las d’entendre tant de niais ou de fourbes répéter doctoralement, malgré l’évidence contraire, que la guerre a été préparée et cherchée par la France, il n’ait éprouvé quelque malin plaisir à leur crier : « Eh bien ! puisque vous vous obstinez à l’ignorer, je vous apprends que cette guerre a été mon œuvre propre ! »

Cependant il est un point sur lequel il persiste à n’être pas véridique. C’est sur l’origine et l’organisation de la candidature Hohenzollern. Il s’en tient à sa fable du premier moment, sans doute parce que la vérité eût été trop vilaine à révéler. Il y a même un accord entre lui et ses complices pour que l’Histoire ignore toujours la vérité. Le principal serviteur de la machination, Bernhardi, s’il ne fut pas récompensé par Bismarck, reçut de Moltke une distinction flatteuse. Quand les Allemands entrèrent à Paris, quatre cavaliers se détachèrent de la troupe et s’élancèrent à fond de train pour passer les premiers sous l’Arc de Triomphe, à leur tête était le lieutenant Bernhardi, du 14e hussards. Il touchait la récompense que son père avait gagnée en organisant la candidature Hohenzollern et en amenant les Allemands à Paris. Les Mémoires de cet agent eussent dévoilé le mystère : la partie publiée ne contient sur sa mission en Espagne que les détails anecdotiques et pittoresques ; la partie politique a été supprimée et, dit-on, ne verra jamais le jour. D’autre part, les papiers de Lothar Bucher, autre confident, ont été brûlés. Nous étions donc condamnés à ignorer les débuts de ce guet-apens si le prince Charles de Roumanie, en publiant ses Mémoires, n’avait rendu à la vérité le service d’éclairer, d’une lueur qu’on n’éteindra plus, le seul recoin ténébreux de cette ténébreuse affaire. On m’a raconté qu’il avait été vivement incité à cette publication par la reine Augusta.


IX

Quelques historiens d’une invincible mauvaise foi, tels qu’Oncken, persistent dans les rengaines démodées. Mais les critiques sérieux, tels qu’Ottokar Lorenz, Delbrück, Rathlef, Lenz,