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abbaye à la sœur de Gabrielle d’Estrées, afin que celle-ci y pût demeurer et se trouvât de la sorte moins éloignée de son royal amant, l’histoire de Maubuisson n’est qu’une succession d’épisodes invraisemblables à travers lesquels se joue délicieusement l’ironie du narrateur.

Après tant de beaux travaux consacrés à Port-Royal, l’étude de M. André Hallays est neuve, instructive, attrayante. Elle achève de classer son auteur parmi les meilleurs écrivains d’aujourd’hui. La plus sûre manière de louer un bon écrivain, c’est de le citer : et c’est ce que nous nous sommes efforcés de faire aussi souvent qu’il nous a été possible. On n’aura pas manqué d’être frappé par les mérites de ce style, où le mot est toujours juste, la nuance toujours fine, l’expression en parfait accord avec le sentiment et la pensée. Ce sont chez nous les qualités mêmes où on reconnaît le lettré de race. La manière de M. Hallays, trop continûment ironique lors de ses débuts, n’était pas exempte de sécheresse. Elle s’est, avec le temps, assouplie et élargie. L’imagination s’y est donné plus libre carrière ; la sensibilité a moins redouté de se laisser deviner. C’est l’effet même du changement qui s’est produit dans les desseins de l’écrivain. Après n’avoir suivi dans sa flânerie que sa fantaisie et recherché que son plaisir, il a pris pour guide notre tradition et il poursuit un but salutaire. J’ignore si, dans cette campagne qu’il mène pour la défense des reliques de notre passé, il obtiendra le succès qu’il en souhaite et que nous en espérons avec lui. Mais l’honneur lui restera de l’avoir conduite et soutenue avec tant de compétence, tant de bravoure et tant de belle obstination ! Et les lettrés se réjouiront qu’il y ait trouvé un thème inépuisable à des études originales et charmantes, où il célèbre notre art et les souvenirs de notre histoire en des pages savantes, émues, d’une grâce et d’une simplicité souvent exquises.


RENE DOUMIC.