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d’autres qui songeaient déjà à offrir en compensation le Maroc.

Ces voix étaient perdues dans le tapage assourdissant des virulences impérialistes. L’opinion anglaise était en proie à un accès de gallophobie. M. Chamberlain, M. Cecil Rhodes étaient au fort de leurs difficultés au Transvaal ; ils entraînaient le public à l’idée d’une guerre dans l’Afrique du Sud, sans craindre de la faire coïncider, peut-être, avec une tension générale européenne.

Il serait pénible pour tous, et surtout pour ceux qui se sont laissés aller, en ces temps-là, à des violences si disproportionnées, d’en évoquer aujourd’hui le souvenir trop précis…

Lord Salisbury annonça, en ces termes, dans un discours qu’il prononça le 4 novembre, la conclusion de l’affaire : « J’ai reçu, cet après-midi, de l’ambassadeur de France, l’information que le gouvernement français était arrivé à la conclusion que l’occupation de Fachoda n’était d’aucune valeur pour la République française ; et il a fait, ce que, je crois, le gouvernement de tout autre pays aurait fait dans la même position : il a résolu que cette occupation devait cesser. Avis formel de ce fait m’a été donné cet après-midi et a été envoyé aux autorités du Caire… Je ne désire pas que l’on tire un malentendu de mes paroles en croyant que je dis que toutes les causes de controverse ont été écartées, par-là, entre le gouvernement français et nous-mêmes. Il n’en est probablement pas ainsi et j’avance que nous aurons encore beaucoup de discussions dans l’avenir. Mais une cause de controverse d’une nature quelque peu aiguë et dangereuse a disparu et nous ne pouvons que nous en féliciter[1]… »

On sait le reste : la décision du gouvernement français de rappeler Marchand, le refus du capitaine de rentrer par le Nil et l’Egypte, l’impossibilité où il était de reprendre le chemin du Bahr-El-Ghazal, sa marche intrépide à travers l’Abyssinie,

  1. Voici les dates, d’après la presse, en l’absence de documens officiels publiés : Le Temps, 2 novembre : On télégraphie de Londres : « On affirme que le gouvernement français aurait indiqué au gouvernement anglais qu’il consentirait à faire coïncider le départ de la mission Marchand avec l’ouverture de négociations ayant pour objet de faire accorder à la France un débouché dans la vallée du Nil. C’est dans le Conseil de jeudi (27 octobre) que le Cabinet de lord Salisbury a examiné cette éventualité. Ce qui se dit et se fait en Angleterre montre que le gouvernement anglais n’est pas disposé à les accepter. — 6 nov. Note Havas : « Le gouvernement a résolu de ne pas maintenir à Fachoda la mission Marchand. Cette décision a été prise par le Conseil des ministres après un examen approfondi de la question. »