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Ballouhey, intendant de la maison de l’Impératrice, étant venu prendre les commissions de Marie-Louise, avant de regagner Paris, elle le pria de dire à l’Empereur qu’Elbe et son fils se pointaient bien, et qu’elle faisait des vœux pour son bonheur. L’intendant n’était chargé d’aucune lettre pour Napoléon : il est vrai qu’elle eût été confisquée en cours de route. — La correspondance avec Neipperg était la seule que désirât entretenir Marie-Louise. Le 23 avril, elle recevait de lui une lettre « volumineuse, » datée de Trévise, et l’avant-veille, elle en avait reçu une autre envoyée de Modène[1]. Le 30 avril, la princesse apprenait la mort de la comtesse Neipperg, décédée en Wurtemberg où son mari l’avait abandonnée.

Méneval se rendait compte qu’il n’avait plus rien à faire auprès de la duchesse de Parme. Il avait hâte de revoir sa famille et de quitter la triste résidence de Schœnbrunn. Il prit congé de Marie-Louise le 6 mai, à dix heures du soir. Elle parut très émue en disant adieu à ce fidèle serviteur ; avec lui disparaissait le dernier lien qui l’attachât à la France. Marie-Louise chargeait Méneval de bonnes paroles pour l’Empereur. » Elle me dit, — écrit-il, — qu’elle espérait qu’il comprendrait le malheur de sa position, me répéta qu’elle ne prêterait jamais la main à un divorce ; qu’elle se flattait qu’il consentirait à une séparation amiable et qu’il n’en concevrait aucun ressentiment ; que cette séparation était devenue indispensable, mais qu’elle n’altérerait pas les sentimens d’estime et de reconnaissance qu’elle conservait. »

Le 9 juin 1815, la souveraineté du duché de Parme était reconnue à Marie-Louise par l’article 99 de l’acte final du Congrès de Vienne. On sait que ce ne fut qu’en 1821 que la duchesse de Parme, devenue veuve, s’unit à Neipperg par un mariage morganatique.


Quel jugement peut-on porter sur une pareille destinée ? L’histoire de Marie-Louise entre les deux abdications montre que l’Impératrice ne manquait pas seulement de la force nécessaire pour rester vertueuse, qu’elle manquait aussi d’intelligence et de cœur. En abandonnant la cause de son fils, elle avait fait preuve d’un égoïsme révoltant. Si l’empereur d’Autriche et sa troisième femme Marie-Louise-Béatrix d’Este, si Metternich et Neipperg avaient mis de l’acharnement à l’éloigner du droit chemin, d’autres voix lui avaient rappelé qu’elle n’était pas libre de disposer de sa personne. La vieille reine Marie-Caroline de Sicile, jadis l’ennemie déclarée de Napoléon, n’avait pas

  1. Il est regrettable que l’auteur n’ait pas eu communication de ces documens qu’il eût été fort intéressant de trouver à l’Appendice.