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Lorsque Méneval revit Marie-Louise aux Sécherons le 9 septembre, il la trouva « engraissée et dans un état de santé parfait. » L’Impératrice paraissait « fort contente, » et n’était pas pressée de rentrer à Vienne où Neipperg devait la ramener ; elle résolut de faire un voyage dans l’Oberland bernois avant de regagner l’Autriche. Marie-Louise s’était attachée à son geôlier. A partir du 15 août, date où Corvisart, Isabey et Mme de Montebello avaient quitté Aix, elle s’était trouvée en continuel tête-à-tête avec lui.

Quel était donc le mobile qui poussait Neipperg à conquérir la souveraine ? Il était, — croyons-nous, — beaucoup moins épris de l’Impératrice que désireux de régner un jour prochain sur les duchés italiens. Lorsqu’il avait reçu l’avis qu’on le nommait grand maître de la maison de la future duchesse de Parme, Neipperg avait dit — en guise d’adieux — à une dame de Milan qui lui accordait ses faveurs : « J’espère bien, avant six mois, être au mieux avec Marie-Louise, et bientôt son mari ! » — Il avait quarante-deux ans, n’était point beau. Son visage portait les traces de nombreuses blessures. Un bandeau noir dissimulait même la perte d’un œil. « L’élégance de sa tournure, — écrit l’auteur des Souvenirs, — était relevée par la coupe dégagée de l’uniforme hongrois. »

Le séducteur se montre un compagnon charmant, empressé, hardi. Avec lui l’Impératrice ne craint ni les fatigues, ni les dangers. Elle laisse à Berne une partie de son monde. Mèneval, qu’elle avait engagé à la suivre, la rejoint seulement, huit jours après, à Thoun. Marie-Louise visite pendant ce temps : Grindenwald, l’hospice du Grimsel, celui du Simplon, Brieg, Lenck, Thoun. Elle revient à Berne le 21 septembre, enchantée de son voyage. On peut se figurer ce qu’il offrit d’agrément : les journées se passent à gravir les sommets, à escalader les glaciers. La nuit venue, les touristes se réfugient dans quelque auberge. On fait de la musique pour se délasser. L’Impératrice chante, tandis que Neipperg est au piano.

Le secrétaire des commandemens va au-devant de la princesse à Thoun. Il lui demande si elle a des nouvelles de l’Empereur. Marie-Louise répond qu’elle n’en a pas eu depuis la mission de Hurault : elle n’avait pu se rendre à l’île d’Elbe, la volonté de son père la rappelant à Vienne. Les voyageurs s’arrêtent à Berne trois jours, du 21 au 24 septembre. Le 23, Méneval écrit à sa femme : « Je n’ai certes pas à me plaindre personnellement d’elle (Marie-Louise] ; mais je ne puis me dissimuler que ce n’est plus cet ange de pureté et d’innocence que j’ai quitté... Sa tête n’est pas occupée comme je le voudrais. Tu