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sans bourse délier, beaucoup de propriétés habous, la constitution de ces biens ne permettant pas aux indigènes de réclamer jamais en cas de vente le capital, et ne les autorisant qu’à toucher les intérêts ou les arrérages de la rente représentative.

Enfin, pour se mettre en possession de certains biens convoités par l’administration, on alla jusqu’à s’attaquer aux colons libres eux-mêmes qui avaient acheté leurs domaines à beaux deniers comptans. Sous prétexte que ces colons n’étaient que des spéculateurs, qu’ils n’avaient ni l’intention ni les moyens de mettre leurs domaines en culture, l’ordonnance de 1844 déclara ne reconnaître les droits que de ceux qui pouvaient fournir des titres antérieurs au 5 juillet 1830, c’est-à-dire antérieurs à l’occupation française. Puis, ceux-là mêmes qui purent fournir des titres anciens furent frappés d’un impôt de cinq francs par hectare pour toutes les terres qu’ils laisseraient incultes. On allait jusqu’à soumettre à cette taxe les prairies naturelles et les terres marécageuses. Peu importait que les colons eussent ou n’eussent pas des fonds disponibles ; que les terres marécageuses ne pussent être transformées. A défaut de paiement, les terres incultes devaient retourner à l’Etat et, en tout cas, l’inculture devenait un motif suffisant d’expropriation. L’ordonnance du 21 juillet 1846 sur la vérification des titres de propriété vint encore aggraver la situation des propriétaires algériens, colons et indigènes. De par cette ordonnance, la Commission administrative. du contentieux fut chargée de la vérification de tous les titres des propriétés rurales et de la délimitation de chacune d’elles. Tous les intéressés furent invités à produire leurs titres dans les trois mois, et il fut décidé qu’il n’y aurait plus de valables que ceux qui, après mûr examen, seraient homologués par ce pouvoir administratif. De plus, les terres possédées en vertu d’un titre régulier et laissées incultes furent soumises à un impôt annuel de dix francs par hectare, et cela sans préjudice de tous les autres impôts établis sur les terres en général. Par là fut suspendue sur la tête de tous les propriétaires, colons et indigènes, une menace d’expropriation forcée et bon nombre d’immeubles, appartenant à des gens qui n’avaient pu les mettre en culture ou qui n’avaient pu faire vérifier leurs titres, tombèrent dans le domaine de l’État.

Mais toutes ces mesures, incorporation à l’Etat des terres du beylik, confiscation des biens appartenant aux Turcs émigrés,