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et les tribus, comme locataires à azel ou comme tributaires hokor. Les tribus militaires maghzen non plus ne furent pas inquiétées.

On appréhenda ainsi 653 000 hectares qui furent incorporés au Domaine. C’étaient les terres les mieux placées : dans les banlieues d’Alger, d’Oran, de Constantine, de Bône, et les meilleures du pays : les plus fertiles portions de la Mitidja et 60 000 hectares autour de Constantine, dont 48 000 cultivés en céréales et 12 000 en jardins, en faisaient partie. Ce fut de ce côté que l’administration, pour la création de ses villages, porta ses vues. On commença tout d’abord par dépouiller les indigènes qui étaient locataires à azel et à hokor de leurs droits de jouissance des terres du beylik ; puis, l’on confisqua le territoire des tribus qui, de gré ou de force, avaient suivi la fortune de l’émir. On ne voulut pas tenir compte, en prenant cette mesure, des bonnes dispositions antérieures de plusieurs de ces tribus à notre égard. Même, parmi leurs membres, beaucoup de ceux qui nous étaient restés fidèles en dépit de tout, durent payer pour ceux qui avaient lutté contre nous. En même temps on commença à modifier la constitution de la propriété chez les indigènes en arrêtant que toute rente perpétuelle immobilière serait essentiellement rachetable. L’ordonnance de 1844 déclara que tous les baux à rentes, même ceux dont la durée n’était pas déterminée, devaient être considérés comme de véritables aliénations et donna aux acquéreurs le droit de pouvoir toujours se libérer en rachetant les rentes. Il fut aussi décidé que tout acte translatif de propriété consenti par un indigène ne pourrait être attaqué par le motif que l’immeuble était inaliénable aux termes de la loi musulmane. C’était abolir la législation des habous, législation non moins avantageuse aux indigènes qu’à l’Etat et aux colons. En effet, en autorisant le rachat de la rente, non seulement on exposait les indigènes à perdre ou à dissiper les biens que leurs aïeux avaient mis sous la protection de la loi, mais aussi ont privait le domaine de l’État d’une multitude de rentes qui, en cas de déshérence, lui eussent fait retour.

D’autre part, c’était placer les colons, qui, pour la plupart, manquaient d’argent, dans des conditions bien moins favorables pour devenir acquéreurs. Le maintien de la législation musulmane leur avait permis en effet d’acheter jusqu’alors, presque