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l’eau, recoller des fruits sauvages. Les terres vivantes sont celles qui sont cultivées et productives ; elles ont un maître qui peut être un particulier ou une collectivité : dans le premier cas, on les appelle terres melk ; dans le second cas, terres arch (de tribus), si la collectivité est une tribu, ou terres habous, si la collectivité est représentée par une fondation pieuse. Les terres peuvent changer de condition et passer de l’état de terre morte à l’état de terre vivante et réciproquement. Pour qu’une terre morte devienne terre vivante, il suffit qu’elle soit mise en culture ; elle est alors vivifiée. En revanche, une terre vivante peut retomber à l’état de terre morte, si elle cesse d’être cultivée. Celui qui met en culture une terre morte, en devient le propriétaire. « Quiconque vivifie une terre morte, dit Mahomet, en devient par le fait le maître. » Au contraire, le droit de propriété d’une terre vivante se perd par son retour à l’état de terre morte. En pays musulman, le détenteur du sol a le droit de jouir et de disposer de la chose de la manière la plus absolue, pourvu qu’il n’en fasse pas un usage contraire à la loi. Même on ne peut lui contester ce droit de propriété, si ce n’est dans un délai très court. « Quiconque, dit la loi koranique, jouit pendant dix ans d’une terre sans conteste, en est préjugé propriétaire. » La propriété, une fois établie, devient inviolable.

Ces principes que la terre est à celui qui la cultive et qu’on ne peut contester à quiconque, après la prescription décennale, son droit de propriété sont la base de la législation musulmane en matière de propriété immobilière et sont applicables à tous les musulmans, en tout temps, en tout lieu. Le souverain musulman ne saurait être propriétaire du sol. « La terre est à Dieu et à son prophète, dit Mahomet s’adressant aux croyans ; ensuite elle vous appartient par la concession que je vous en ai faite. » Mais, au cours des âges quelques souverains musulmans, et notamment le grand Turc dont dépendait le Divan, ne s’étaient pas considérés comme liés par ces règles pourtant catégoriques et impératives. Au mépris de la loi koranique, les deys avaient su s’approprier un domaine privé qu’on appelait terrains du beylik (terres du gouvernement), provenant des confiscations et des successions en déshérence dont l’État devenait le bénéficiaire à défaut d’héritiers au sixième degré. Il importe d’ajouter d’ailleurs que le gouvernement des deys n’avait usé des confiscations que dans des cas très rares et tout à, fait exceptionnels. En effet,