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rare, clairsemée, et l’étendue des terres de culture y était pour ainsi dire illimitée. Mais il en était autrement de notre récente acquisition. Dès cette époque, les indigènes d’Algérie étaient évalués à environ deux millions, et, en certains points comme la Grande Kabylie, la densité de la population dépassait celle de nombre de départemens de France. C’étaient, en dehors des Maures ou commerçans des villes, des agriculteurs qui n’avaient jamais vécu que de la terre, qui l’aimaient, les uns avec un attachement passionné comme les Kabyles, les autres avec un attachement moindre, comme les Arabes, mais qui y tenaient tous, et cela avec d’autant plus de raison que le sol était alors l’élément unique de la richesse économique du pays, et que, malgré l’immensité du territoire, les terres de culture y étaient d’étendue restreinte. Une des caractéristiques de l’aspect physique de l’Algérie est en effet le petit nombre et le peu d’étendue des plaines, ce qui constitue une condition fâcheuse au point de vue des facilités d’exploitation et du pourcentage utilisable des terres. Dans les limites qu’on lui assigne ordinairement, ce pays peut bien avoir, à un cinquième près, la superficie de la France, soit environ 480 000 kilomètres carrés ; mais des trois grandes régions qui le forment, les Plateaux, le Sahara et le Tell, cette dernière, qui est la seule d’une fertilité suffisante, ne représente que 136 291 kilomètres carrés, et, en en distrayant un bon tiers pour la montagne, la forêt, les parties rocheuses ou la steppe, elle ne compte guère que 100 000 kilomètres carrés pouvant être utilisés pour la culture.

Les premiers Français qui débarquèrent en Algérie croyaient au contraire que le pays qui venait d’être conquis était à peu près dans son entier fertile, et que notamment l’abondance des terrains de culture était bien supérieure aux besoins des populations qui les laissaient en friche. Ce qui se passa aux premiers temps de la conquête dans les villes du littoral occupées par nous et dans leur banlieue parut, il faut bien le dire, leur donner, dans une certaine mesure, raison. Les habitans de ces villes, soit qu’ils fussent persuadés du caractère précaire de notre occupation, soit qu’ils eussent la crainte de se voir dépossédés par la suite, soit tout simplement pour se procurer du numéraire, alors considéré comme une rareté dans le pays, se montrèrent on ne peut mieux disposés à se défaire de leurs biens. Pour de très modiques sommes, ils vendaient des maisons, des jardins, des