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sur les dispositions et les coutumes des populations indigènes et savaient les gouverner. Autre faute encore, on refusa d’accepter le concours des tribus maghzen (Douaïr, Zemoul, Beni-Abid, Beni-Siline, etc.) échelonnées sur les gîtes d’étapes et qui faisaient si bien la police du pays, et l’on vit, par exemple, ces malheureux Douaïr et Zemoul, des plaines oranaises, conduits par leur chef, Mustapha ben Ismaïl, solliciter en vain l’entrée à notre service, puis être finalement repoussés par nous, dépouillés de leurs terres et livrés par nos généraux à Abd-el-Kader.

Les Koulouglis, métis de Turcs et d’indigènes, qui nous donnaient maintes preuves de dévouement, furent également abandonnés par nous : nous les laissâmes massacrer à Tlemcen et à l’oued Zitoun par l’émir, qui se vengea ainsi de leurs bonnes dispositions à notre égard. Privés de tous ces précieux auxiliaires, n’ayant aucun élément sur qui compter, ignorant des coutumes et des mœurs des populations que nous avions vaincues, nous ne sûmes comment nous les concilier, ni nous faire craindre d’elles. Nos tâtonnemens, nos hésitations, nos contradictions stupéfièrent et découragèrent les indigènes, qui n’arrivaient pas à savoir ce que nous voulions. Nous passions notre temps à défaire le lendemain ce que nous avions fait la veille. « Sa Majesté l’Incertitude, » suivant la pittoresque expression du général Bugeaud, régna en Algérie jusqu’au moment de la révolte d’Abd-el-Kader.

L’émir vaincu, le système du protectorat, dont nous n’avions su que faire une application boiteuse, fut abandonné. Il n’y eut plus devant nous de grand chef vassal servant d’intermédiaire entre nous et les indigènes, et nous assumâmes la responsabilité de l’administration directe du pays. Le nouvel organisme, créé par Bugeaud en 1843 et 1844, eut surtout pour but d’achever la soumission du pays, de maintenir dans l’obéissance les populations vaincues, et de prévenir de nouveaux soulèvemens. Les khalifas, les bach-aghas, les aghas, les caïds et les cheiks furent bien maintenus à la tête de leurs circonscriptions territoriales, mais tous ces chefs indigènes, quel que fût leur rang, relevèrent désormais de l’autorité militaire ; et des bureaux arabes eurent pour mission d’étudier les affaires, de renseigner l’autorité supérieure, de servir d’intermédiaire, en un mot, entre les chefs indigènes d’une part et le commandement de l’autre. En