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que, si les Etats, où il s’était rendu tout exprès, déféraient à cette demande, les communautés rurales ne toucheraient rien, il par la avec tant de force que les Etats décidèrent que les 22 000 livres nécessaires pour les indemnités, selon la vérification qu’il avait faite, seraient remises à l’évêque pour être distribuées par ses soins aux paysans. Ce premier coup allait être suivi de beaucoup d’autres frappés par le prélat avec une persévérance et une énergie admirables.

L’année suivante, en effet, il se rendit à Béziers pour la session des Etats et prit vigoureusement la parole contre les malversateurs. Il découvrit tous les désordres qui se commettaient dans son diocèse pour l’assiette des tailles, et « qui allaient à la ruine totale du pauvre peuple, » détailla tous les faits venus à sa connaissance dans le cours de ses visites, et demanda que, pour l’édification des Etats, M. le marquis de Castres, dont le renom de probité était fort grand, fût nommé commissaire des Etats à la prochaine assiette du diocèse d’Alet. L’assemblée accéda à son désir. Ce fut alors que le receveur des tailles, pour mieux parer aux attaques de l’évêque, épousa sans dot, ne demandant à son beau-père que son alliance et sa protection, Mlle de Cironis, fille d’un président à mortier du Parlement de Toulouse, très influent par ses relations, et nièce de M. de Frésals, conseiller de grand’chambre du même Parlement.

La Cour ayant eu connaissance de l’affaire, pria l’archevêque de Narbonne, président né des Etats de Languedoc, d’y mettre promptement ordre, et celui-ci obtint une commission de la Cour des aides de Montpellier, pour faire informer contre les deux voleurs. Sur le rapport de M. de Sarlres, dont l’admiration pour les vertus de l’évêque d’Alet était très grande, la Cour des Aides, par arrêt du 6 septembre 1657, les condamna à mort par défaut. Mais le beau-père du receveur, M. de Cironis, entra alors en scène pour s’acquitter envers son gendre, et il n’eut pas de peine à faire éclater un conflit de juridiction entre le Parlement de Toulouse, qui ne demandait jamais mieux, et la Cour des Aides de Montpellier, sous prétexte que l’aîné des deux frères, en sa qualité de juge mage, était justiciable du Parlement. La Cour des Aides était fort embarrassée. Heureusement arriva bientôt la session des Etats de 1657-58, et dès le début, Pavillon, qui avait introduit le diocèse d’Alet au procès des Aosthène devant la Cour des Aides de Montpellier,