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d’Etat Boucherat, et à l’abbé Le Camus. « Comme l’arrêt, disait-il à Le Tellier, ne contient que l’exécution des saints canons que j’ai toujours tâché de suivre, autant qu’il m’a été possible et que l’état présent de l’Eglise le peut permettre dans mon diocèse, il m’a été bien facile de m’y conformer. » Les gentilshommes comprirent si bien que le Roi et l’opinion publique les avaient condamnés, que les principaux d’entre eux, et les plus coupables, MM. de Rennes, de Rasiguières et de Nebias en particulier, se présentèrent à leur évêque, qui les reçut en grâce avec la douceur d’un père. Les. réguliers seuls, escomptant la bonne volonté trop évidente du Parlement de Toulouse et la faiblesse trop probable du Roi, ne cessèrent d’ergoter ; mais le Roi leur aurait-il donné tort cent fois davantage qu’ils auraient tout de même chicané.

L’acharnement des moines contre un évêque indépendant n’a rien qui puisse surprendre. Mais l’hostilité des gentilshommes contre le même évêque, cette hostilité suivie d’un repentir sincère, ne peut s’expliquer uniquement par des raisons de l’ordre religieux. Sans doute ces féodaux qui ne reconnaissaient aucune autorité et ne craignaient que la force, ces gentilshommes sans « gentillesse » ont dû protester intérieurement de toute l’énergie de leurs vices quand ils se sont trouvés en présence d’une autorité morale comme celle de Pavillon. De là leur syndicat. Mais un lien plus fort que l’habileté d’un chanoine a été nécessaire pour grouper si longtemps le faisceau de leurs violences. Ce lien est dans les intérêts pécuniaires, plus puissans chez ces terriens avides que leurs pires instincts de débauche ; il est dans l’affaire Aosthène, qui nous montre sous son vrai jour ce recoin de notre pays au XVIIe siècle.


IV

L’autorité royale a si peu pénétré dans le diocèse d’Alet, que, pendant plus de vingt ans, nous voyons deux concussionnaires, les frères Aosthène, mettre le pays en coupes réglées, et, appuyés par les plus grandes autorités de la province, les Etats et le Parlement de Toulouse, s’unir avec les gentilshommes pour pressurer les populations et leur extorquer, au nom et sous le couvert du fisc, les redevances les plus abusives. Les deux frères résidaient à Limoux, où l’un était président et juge mage