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rurale, orgueilleuse, et tout ensemble débauchée, cupide et pillarde. Voyez en effet à l’œuvre les principaux de ses représentans.

M. de Rasiguières est seigneur de quatre villages. Il ne se contente pas de mettre à mal les femmes et les filles de sa seigneurie ; il bat ou fait battre les pères et les maris récalcitrans. Averti charitablement pendant douze ans, il ne s’amende pas ; frappé enfin d’excommunication, il se prévaut d’un arrêté du Parlement de Toulouse, incompétent en ces matières, pour se faire absoudre de tous ses péchés par le grand vicaire de Toulouse, et insulte publiquement son évêque. M. de Sourmia est un concussionnaire qui, pendant toute la durée des guerres sur la frontière catalane, a prélevé de force, sur tous les marchands à la suite des armées, des droits de péage illégitimes, comme un féodal du XIe siècle. M. de Nebias a gardé pour lui les indemnités accordées à ses vassaux pour les dédommager des violences et des déprédations des gens de guerre, M. de Coustaussa ne refuse pas seulement de payer au Roi la taille de ses terres roturières, mais il s’empare des forêts du domaine public, et jette dans un cachot le lieutenant royal du grand maître des eaux et forêts, envoyé pour lui faire rendre gorge. M. de Rennes fait l’usure et ruine ainsi les uns après les autres tous ses paysans, refuse le passage sur ses terres aux gens du Roi. M. d’Escouloubre s’empare des biens du chapitre de Saint-Paul et des dîmes du chapitre de Narbonne. M. d’Axat tient un jour assiégé dans une maison de Saint-Paul l’évêque d’Alet et sa suite, parce qu’un chanoine de ses amis, qui mène une vie scandaleuse, a été interné dans sa chambre par son supérieur ecclésiastique. M. du Viala de Commesourde est un usurier, comme M. de Rennes, et, comme il a en plus des scrupules religieux, il somme chaque année, à Pâques, accompagné d’un notaire et de deux témoins, le curé de sa paroisse d’avoir à lui donner l’absolution.

Voilà le syndicat formé. Il existait déjà virtuellement dans les passions, les désordres, les iniquités de ces bandits. M. de l’Estang sut lui donner une forme, et faire un corps de toutes ces avidités et de tous ces égoïsmes. Il sut même donner à l’association une couleur de pastorale, et un jeune paysan, le sieur Alexandre Bernard, qui aimait à danser, comme on faisait du temps de M. de Polverel, organisa un soi-disant syndicat de la jeunesse dont les réclamations vinrent se joindre à celles des moines et des gentillâtres.