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plutôt, dirions-nous, d’un évêque du Xe ou du Xie siècle, c’est-à-dire d’une époque où l’idée religieuse était à peu près la seule force moralisatrice dans la brutalité générale des mœurs, obligée de s’affirmer d’autant plus rigoureusement qu’elle représentait à peu près seule la justice. Dans un milieu tout féodal encore par tant de côtés, Nicolas Pavillon est, écririons-nous volontiers, un évêque féodal.

Cette impression est bien la vraie, quand on examine de près le caractère et les divers épisodes des luttes engagées entre l’évêque d’Alet et les insoumis de son diocèse : chanoines, moines et gentilshommes. Entrons dans l’examen de ces luttes, qui nous rappelleront souvent le moyen âge.


III

Ce fut en 1663, vingt-quatre ans par conséquent après l’arrivée de Pavillon dans le diocèse d’Alet, que commencèrent ces différends singuliers. Chanoines peu zélés, mauvais prêtres, réguliers mendians et quêteurs, gentilshommes prévaricateurs et débauchés, jeunes gens plus amis de la danse que de la piété, se liguèrent en ce moment contre l’évêque et formèrent contre lui un syndicat dans toutes les règles. Deux chanoines mondains, M. Rives et M. de l’Estang, celui-ci doyen du chapitre d’Alet, et fils d’un conseiller de Grand’Chambre au Parlement de Toulouse, jaloux l’un et l’autre de leurs privilèges et plus attachés à leur titre qu’à leurs fonctions, furent l’âme du complot. L’origine de la querelle fut dans l’emprisonnement ordonné par le viguier d’Alet d’un valet de M. de l’Estang qui, blâmé pour avoir « sollicité plusieurs femmes et filles et leur avoir tenu des discours infâmes et mêmes impies, avait menacé de tuer M. Ragot, chanoine, secrétaire de M. d’Alet. » Censurés par l’évêque pour avoir pris la défense du valet, nos deux chanoines résolurent de se venger. Fort de ses alliances dans la province et de la situation de son père au Parlement de Toulouse, M. de l’Estang ne se contenta pas d’envoyer à Pavillon toute une série d’assignations, il essaya encore d’ameuter contre lui la population du bourg épiscopal , s’introduisant de force dans le chœur de l’église cathédrale, dont il avait été momentanément exclu, faisant dans le village, en compagnie de son père et d’une troupe d’hommes armés, des chevauchées arrogantes