Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qu’il exige de ses pasteurs, il l’exige aussi de ses fidèles. Sans doute dans sa conduite il est des traits qui aujourd’hui nous étonnent et froissent notre respect de l’indépendance de la vie privée. Non seulement il proscrit le dimanche et les jours de fête toute occupation servile, à moins d’absolue nécessité ; non seulement il défend de fréquenter ces jours-là tavernes et cabarets et d’assister aux danses et autres divertissemens prohibés par les canons ; non seulement il interdit aux gentilshommes de son diocèse de délaisser leurs femmes pour prendre celles de leurs vassaux, mais il s’immisce encore dans la vie tout entière de ceux qui religieusement dépendent de lui, s’occupant de tout ce qui intéresse les ménages, des dettes et des achats, des contrats et des redevances, et voulant que tout, les actions et les sentimens, soit conforme aux règles de la cité de Dieu. Se révolte-t-on contre ses » prescriptions, contrevient-on à ses ordonnances, néglige-t-on de vivre en honnête homme et en chrétien, il prend patience d’abord, puis, si l’on ne s’amende pas, il sévit. Chaque curé dans chacune des paroisses est l’exécuteur de ses arrêts. La peine d’ailleurs est toute religieuse et canonique. Les contrevenans sont désignés nommément à la paroisse entière, au prône du dimanche, et ils sont tenus, après une pénitence publique, qui consiste le plus souvent à se tenir quelque temps, seul et à genoux, pendant la célébration des offices, à l’entrée de l’église paroissiale, de venir confesser leurs fautes devant les fidèles assemblés. A coup sûr, le nombre de ces pénitences publiques n’a jamais été bien considérable pendant les trente-huit années de l’épiscopat de Nicolas Pavillon, et ses ennemis ont voulu le charger à dessein dans l’esprit de ses contemporains et du Roi : en 1665, lors du grand procès de l’évêque avec les gentilshommes de son diocèse, il n’y avait guère plus de vingt interdits de l’entrée de l’église. Il n’en est pas moins vrai que tout cela aujourd’hui nous surprend et nous choque. Mais, pour juger équitablement Pavillon, il faut nous souvenir que nous sommes en présence d’un évêque non pas seulement du XVIIe siècle, d’une époque par conséquent où la religion était encore une des deux faces de la puissance publique, où la vie privée était si peu sécularisée que les ambassadeurs de France avaient eux-mêmes, au Concile de Trente, demandé le rétablissement de ces pénitences publiques en vigueur dans l’Eglise pendant plus de douze cents ans, mais aussi, mais