Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le meilleur moyen d’achever l’œuvre d’évangélisation commencée par le séminaire était de créer, à côté des régens et des prêtres, un corps d’une nature particulière qui, dans ces montagnes désolées et auprès de ces cœurs frustes, eût plus d’influence et d’accès que le clergé même, et voilà pourquoi, sachant que la charité agissante et bienfaisante, qui conquiert plus d’âmes à la vérité que la vérité même, est surtout l’attribut de la femme, l’évêque d’Alet créa les régentes. C’étaient des jeunes filles, appartenant pour la plupart aux meilleures familles du pays, qui, sous la direction d’une pieuse Veuve, Mme de Bonnetaire, ou plutôt sous la direction de Pavillon, venaient, comme les régens, se former à Alet à faire l’école et le catéchisme aux fillettes des paroisses ; puis, pendant l’hiver et la morte-saison, l’évêque les envoyait deux par deux dans les villages, et là elles étaient à la fois institutrices et sœurs de charité, rétribuées par les paysans lorsqu’ils le pouvaient, pour intéresser plus intimement ceux-ci à l’œuvre éducatrice et charitable, instruisant chaque jour les fillettes les moins âgées, le dimanche les plus grandes, ne leur enseignant pas seulement la lecture et le catéchisme, mais leur apprenant aussi à coudre et à filer, chargées principalement du soin des pauvres et des malades, distribuant, selon les besoins, les aumônes de l’évêque, à la fois par conséquent maîtresses d’école et missionnaires de l’assistance rurale. Les régentes n’avaient pas le droit de faire des vœux. Ni à Alet, ni dans les paroisses, elles ne vivent cloîtrées. Elles sont des séculières. C’est en vain que le Port-Royal toulousain, cet Institut de l’Enfance dont l’abbé de Ciron fut le Saint-Cyran et son ancienne fiancée. Mme de Mondonville, la mère Angélique, mystique à la fois et janséniste, essayant par ses constitutions de se rattacher à Port-Royal et laissant néanmoins par ces constitutions mêmes entrevoir Fénelon et Mme Guyon, extrêmement pur, d’ailleurs, mais visant peut-être à une pureté trop angélique, très attachant et très énigmatique ; c’est en vain que l’institut de l’Enfance voudra voir dans l’évêque d’Alet, fondateur des régentes, son père spirituel. Pavillon s’opposa toujours, autant qu’il fut en lui, au dessein de M. de Ciron et de Mme de Mondonville ; il n’aimait ni les vœux ni les communautés et ne se gênait pas pour dire que celles-ci « dégénèrent toujours et ne conservent pas longtemps l’esprit de leur institution. »