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consciencieux qu’un devoir secondaire. Elle n’est que la stricte justice. Elle n’est pas la charité. Dur à lui-même, doux à ses serviteurs, Pavillon donne autour de lui l’exemple de toutes les vertus. Il faut le voir et l’admirer parcourant, le bâton à la main, les coins et les recoins les plus désolés et les plus inaccessibles de ses montagnes. Ni l’extrême froid, ni l’extrême chaleur ne le rebutent. Les sentiers les plus raides, les passages les plus effrayans n’arrêtent pas son ardeur. Refuse-t-on de le suivre, il va seul, accompagné d’un prêtre courageux et d’un muletier hésitant. Menace-t-il de tomber dans un précipice, il se relève, et l’Écriture, dont il est rempli, fait monter à ses lèvres le verset suivant qui est resté encore aujourd’hui pour ses diocésains sa devise épiscopale : « Impulsus, eversus sum ut caderem, et Domimts suscepit me. » Est-il obligé de franchir sur une planche branlante le torrent qui gronde entre deux rochers à pic, il a beau être sujet au vertige, il prend avec lui le viatique qu’il apporte à une mourante, et passe en disant : « Il me soutiendra. » Ni la nuit, ni le mauvais temps ne l’effrayent. Cet évêque qui, dans les deux affaires capitales et retentissantes de sa vie, le formulaire et la régale, sera si plein de ses droits d’évêque, n’est, et peut-être pour cela même, que le plus modeste et le plus consciencieux des prêtres de village, toujours et partout présent à ses diocésains. « Un évêque, disait-il, est le soleil de son diocèse et doit en éclairer et échauffer tous les endroits. » Au cours de ses visites pastorales, il voit tout, s’informe de tout, règle tout. Il fait lui-même aux fidèles des instructions appropriées, et sa parole, venue du cœur, est si claire que ces paysans, qui ignorent à peu près le français, l’entendent parfaitement. Il visite les malades, arrange les procès. Il est le plus scrupuleux des juges et le plus attentif des pasteurs. Aucun détail ne lui échappe, et sa conscience s’inquiète de tout. Il veut que les dimanches et fêtes soient sanctifiés, et qu’on s’abstienne ces jours-là des danses publiques et des travaux manuels ; il veut aussi que les femmes et les jeunes filles soient vêtues d’une façon décente, et il proscrit « ces linges transparens qui servent plutôt à faire paraître qu’à couvrir les nudités. » Mais nous le voyons encore, soucieux des intérêts temporels de ses ouailles, exiger de ses curés une tenue exacte et régulière des registres de baptêmes, de mariages et de décès qui constituaient alors l’état civil, et leur interdire de toutes ses forces ces quêtes abusives, onéreuses