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voulait brûler, soupçonnées d’être sorcières, il se mit en chemin d’y aller. Sa charité lui ayant donné des ailes, il arriva à propos, car monsieur le recteur du lieu ne pouvait plus retenir la fureur de ces barbares qui, quoique surpris de la vue de leur prélat, à peine accordèrent-ils à ses fatigues et à ses prières la vie de ces pauvres victimes. » Les mœurs ne valaient pas mieux que les esprits, et la gaîté ne s’exprimait que par des beuveries sans fin ou par des danses désordonnées. Ce n’était pas la jolie farandole de Provence, déroulant joyeusement sous le ciel bleu son long et gracieux ruban ; ce n’était pas non plus le piquant et cavalier boléro d’Espagne, mais des bacchanales sans rythme et sans frein. Ecoutez le sénéchal de Limoux dans une ordonnance datée du 6 février 1666 : « Le second motif d’interdiction de ces danses a été la connaissance particulière que le lieutenant principal en notre cour a eu du scandale qu’elles causent en la manière qu’elles se font dans le ressort de la sénéchaussée, par la dissolution avec laquelle on court sans se tenir les uns les autres, avec des gestes insolens que les filles font aussi bien que les garçons, par les sauts que les garçons font faire aux filles d’une manière infâme en les élevant aussi haut que leur tête avec un certain tour qui fait que leurs jupes s’écartent et se haussent, en sorte qu’elles découvrent une partie de leur corps. » Aussi ne faut-il point s’étonner si, à cette extrémité de la France, gentillâtres de campagne en usaient un peu, au XVIIe siècle, comme au bon temps du droit du seigneur.

Quelle curieuse féodalité que celle qui, à l’époque de Richelieu et de Louis XIV, régnait sur les montagnes du diocèse d’Alet, et en possédait la plus grande partie, sauf quelques terres du domaine du Roi ou du domaine de l’évêque ! Ils étaient environ une centaine de gentilshommes, exactement cent vingt-quatre à la fin du siècle, d’après le Mémoire de l’intendant Bâville, les de Rasiguières, les de Sourmia, les de Rennes, les de Sarraute, les d’Escouloubre, etc., rustres à demi dégrossis, qui se conduisaient, dans leurs villages, comme s’il n’y avait eu dans la province ni Intendance, ni Parlement. Une seule baronnie d’importance trônait sur ces rochers, celle d’Arqués et Couiza, longtemps, comme l’évêché d’Alet, entre les mains de la maison de Joyeuse, et possédée au milieu du XVIIe siècle par la famille de Rébé. Seule, elle avait le droit d’entrer aux Etats de la province, et seuls des gentilshommes du diocèse, messire Claude,