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Aurore, le somma impérieusement de rendre le comte Philippe à sa famille. En fin de compte, les deux frères de Celle et de Hanovre en appelèrent à l’Empereur ; ils lui déclarèrent que si Auguste de Saxe continuait à les poursuivre, ils retireraient leurs troupes de l’armée des alliés. Cette menace produisit son effet et, peu à peu, les sœurs de Königsmark comprirent qu’aucune puissance humaine, Empereur ou Roi, ne pouvait leur rendre leur frère. Les bonnes volontés finirent par se lasser ; le silence se fit, et l’attention des ducs se concentra sur le procès de divorce.

Il est assez difficile d’en suivre la procédure, presque tous les documens qui s’y rapportent ayant été détruits avec intention. Bien que le nom de Königsmark n’ait jamais été prononcé eu public, ses relations avec Sophie-Dorothée forment le nœud de cette tragique histoire. Deux ministres du duc de Celle, Bernstorff et Bülow, furent envoyés à Ahlden pour interroger la prisonnière sur ce point délicat : elle avoua avoir été imprudente, mais rien de plus, et cette attitude, dont elle ne se départit pas, est confirmée par le témoignage d’Eléonore de Knesebeck, qui, séparée de sa maîtresse, emprisonnée, menacée de la torture, ne varia jamais dans ses affirmations.

Cette épineuse et délicate question : jusqu’où alla l’intimité entre Sophie-Dorothée et Philippe de Königsmark, restera éternellement sans réponse. Certains historiens, comme Köcher[1] et Schaumann[2], nient à la fois l’authenticité des lettres et la culpabilité de l’héroïne ; d’autres, comme le comte Schulenberg-Klosterrode[3], reconnaissent que les lettres sont authentiques, mais croient encore que la princesse ne fut pas gravement coupable ; d’autres enfin, comme M. Wilkins, tout en admettant l’authenticité des lettres et la chute complète de Sophie-Dorothée, l’excusent en raison de la corruption de son milieu, de la tristesse de son mariage, de sa jeunesse et de son isolement.

Leur point de vue, à la fois juste et miséricordieux, ne serait-il pas le vrai ?

Le procès même du divorce ne fut, au fond, qu’un simulacre,

  1. Die Prinzessin von Ahlden, articles publiés dans l’Historische Zeitschrift, 1882. — Memorien der Herzogin Sophie, 1879.
  2. Sophie Dorothea, Prinzessin von Ahlden und Kurfürstin Sophie von Hannover, 1879.
  3. Die Herzogin von Ahlden, Leipzig, 1852.